Il y a plus d’un chemin qui mène à la solution des deux Etats

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Publié le Lundi 11 avril 2022

Il y a plus d’un chemin qui mène à la solution des deux Etats

Il y a plus d’un chemin qui mène à la solution des deux Etats
  • Un nombre croissant de penseurs israéliens et palestiniens se sont penchés sur le développement d’une solution à deux États qui ne repose pas sur une séparation complète, mais qui découle des valeurs des deux peuples et reflète la réalité du terrain
  • Cependant, la partition et la séparation, même si elles n'étaient pas souhaitées, étaient plus viables lorsque la population était moins nombreuse – en 1947

Il existe une sorte de consensus entre les Israéliens et les Palestiniens autour du fait qu’un accord de paix basé sur la solution de deux États relève désormais du passé. 

Selon cette opinion dominante, la probabilité d'une telle solution a été éliminée par l'assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un extrémiste juif en 1995 et par les années sanglantes de la deuxième Intifada du début des années 2000, qui ont coûté des milliers de vies et détruit le peu de confiance qui s'était établie entre les deux communautés après la signature des accords d'Oslo.

Si cette affirmation est en grande partie vraie, elle n’en demeure pas moins ancrée dans l'hypothèse sous-jacente des accords d'Oslo de 1993. En effet, bien qu’elle n’y soit pas explicitement exprimée, cette hypothèse laisse entendre que l'objectif final est de faire en sorte que les deux peuples puissent réaliser leurs aspirations nationales respectives et vivre dans leur propre État souverain, séparé par une frontière bien délimitée – un objectif qui, avec du recul, mettait trop l'accent sur la coexistence pacifique par la séparation.

Une grande partie de la désillusion quant au sort de la solution à deux États découle d'une opinion erronée selon laquelle toutes les voies pour y parvenir ont été explorées et que ce conflit est tout bonnement impossible à résoudre. En outre, près d’un siècle d'effusion de sang plus tard, une méfiance profonde, voire une haine, s’est durablement installée. Cela a inévitablement conduit, bien qu'à tort, à la conviction que la paix est davantage une question de séparation que de réconciliation et de coexistence pacifique. Et ce, malgré le minuscule territoire de la terre sainte qu'Israéliens et Arabes partagent.

Depuis la toute première ébauche du plan de partition, avancée en 1937 par la commission britannique Peel, jusqu'au plan de partition des Nations unies de 1947 et les engagements diplomatiques ultérieurs pour parvenir à un accord fondé sur le concept de deux États, on a supposé que seule une séparation complète des deux peuples pouvait garantir l'absence de guerre et de conflit.

Cependant, la partition et la séparation, même si elles n'étaient pas souhaitées, étaient plus viables lorsque la population était moins nombreuse – en 1947, elle représentait un dixième de ce qu'elle est aujourd'hui – et que les principales occupations étaient l'agriculture, le commerce et l'industrie légère.

Depuis, les guerres ont modifié les relations entre les deux nations, le paysage politique a radicalement changé dans les deux sociétés, l'économie mondiale a créé de nouvelles possibilités, la population mondiale est montée en flèche et la démographie s’en est trouvée largement modifiée. Par conséquent, les relations entre Israéliens et Palestiniens sont devenues plus complexes. L'idée que ces deux peuples ne peuvent coexister qu'en étant physiquement séparés l'un de l'autre ne tient donc plus la route. 

C'est pourquoi, ces dernières années, un nombre croissant de penseurs israéliens et palestiniens se sont penchés sur le développement d’une solution à deux États qui ne repose pas sur une séparation complète, mais qui découle des valeurs des deux peuples et reflète la réalité du terrain.

Une confédération israélo-palestinienne est sans doute la proposition la plus prometteuse actuellement envisagée et elle mérite d'être dûment considérée et débattue.

Yossi MEKELBERG 

Plus de 13 millions de personnes vivent sur un territoire plus petit que l'État américain du Massachusetts. En Israël stricto sensu, un cinquième de la population est composé d'Arabes palestiniens, et 600 000 Juifs résident actuellement en Cisjordanie – en violation du droit international, mais sans perspective réaliste de retour de la grande majorité d'entre eux du côté israélien de la ligne verte. Aussi, une formule plus complexe de « cohabitation indépendante » est-elle nécessaire, en tant que catalyseur et garant de deux États souverains.

C'est pourquoi le concept d'une confédération israélo-palestinienne gagne du terrain, bien qu'il suscite par ailleurs une bonne dose de méfiance et de scepticisme.

Les partisans d'une confédération l'imaginent comme un moyen de répondre aux aspirations nationales des deux peuples sans qu'ils aient à vivre leur vie derrière des barrières de sécurité physique et des murs de méfiance. Cette vision de la coexistence israélo-palestinienne reconnaît qu'il ne peut y avoir de solution durable sans que les différences les plus cruciales, et donc les plus controversées, ne soient abordées.

Certes, les frontières physiques sont toujours essentielles entre les États souverains, mais les efforts visant à assurer le bien-être des citoyens exigent de s'éloigner d'une approche de jeu à somme nulle pour en adopter une qui profite à toutes les parties concernées en maintenant des frontières ouvertes, et ce sans compromettre la sécurité. 

Un arrangement confédéral pourrait être un état de fait permanent ou un moyen de permettre à deux États de vivre en paix tout en établissant des liens étroits entre eux sur toute une série de questions cruciales pour les deux États et le bien-être de leurs citoyens.

En créant un cadre général qui permette à Jérusalem de devenir la capitale d'Israël et de la Palestine, sans diviser physiquement la ville, les deux parties pourraient réaliser leurs aspirations nationales dans la ville sans pour autant imposer de restrictions à ses résidents en termes de circulation et d'emploi, un scénario qui ne pourrait que stimuler la sécurité et la prospérité. 

De même, une confédération pourrait résoudre en grande partie l'épineuse question de l'évacuation des colons juifs de Cisjordanie, car elle permettrait à un nombre convenu de réfugiés palestiniens de vivre en Israël. Cela n’en nécessitera pas moins un important travail de conviction auprès des deux sociétés.

En effet, les Juifs d'Israël se méfieraient de la modification de l'équilibre démographique, même si les colons juifs de Cisjordanie et les réfugiés palestiniens vivant en Israël résideraient respectivement en Palestine et en Israël tout en restant citoyens de leur pays d'origine. Les Palestiniens, pour leur part, appréhenderaient les éléments les plus extrêmes de la communauté des colons qui pourraient saper un tel accord, non sans violences, et compromettre sciemment un État palestinien.

Compte tenu de la profonde méfiance qui existe entre les deux peuples, une solution confédérale nécessiterait un effort considérable de persuasion. Il s’agira de traiter la dimension psychologique du conflit autant que ses éléments pratiques. C’est là un état de fait, indépendamment de la créativité, de la rationalité ou de l'intérêt que la solution pourrait présenter pour traiter les aspects les plus difficiles du conflit israélo-palestinien, à savoir Jérusalem, les réfugiés, les frontières, la sécurité et les colonies.

Néanmoins, compte tenu de l'impasse actuelle, il serait totalement absurde de ne pas explorer cette option et son potentiel non seulement pour mettre fin à l'animosité ambiante, mais aussi pour récolter les avantages économiques de la libre circulation des personnes et des biens, et permettre aux Palestiniens de profiter des avantages de vivre à côté d'un pays dont le PIB par habitant atteint 50 000 dollars. 

Une confédération israélo-palestinienne n'est peut-être pas la « solution miracle » qui viendrait régler tous les maux qui affectent les relations entre les deux peuples, mais elle est certainement meilleure que les autres solutions souvent mises en place dans ce conflit. 

La tâche de ceux qui perçoivent le potentiel d’une telle solution est de convaincre les autres qu'il ne s'agit ni d'une voie vers la solution d'un seul État ni d'une solution instable à deux États entre deux entités politiques antagonistes qui conduirait au moins l'une d'entre elles à abandonner une future confédération.

Il faudra prêter attention aux détails et entreprendre la lourde tâche de surmonter la méfiance réciproque, mais c'est probablement la proposition la plus prometteuse actuellement envisagée et elle mérite d'être dûment considérée et débattue.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena) à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.

Twitter: @Ymekelberg

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.