Des politiciens israéliens et palestiniens irresponsables attisent les tensions

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Publié le Lundi 16 mai 2022

Des politiciens israéliens et palestiniens irresponsables attisent les tensions

Des politiciens israéliens et palestiniens irresponsables attisent les tensions
  • Dans l’état actuel des choses entre Israéliens et Palestiniens, les développements sont dictés par les événements et non par les dirigeants israéliens ou palestiniens à Ramallah et à Gaza respectivement
  • Le mois prochain, le président américain Joe Biden devrait se rendre en Israël et peut-être à Jérusalem-Est, non accompagné de responsables israéliens

La dernière guerre entre Israël et le Hamas a éclaté il y a un an exactement à Gaza. Elle a été précédée d’affrontements meurtriers entre les Arabes et les juifs à Jérusalem-Est et à l'intérieur d’Israël, causant d’immenses souffrances.

Aujourd’hui, une fois de plus, les deux camps sont sur le point de se livrer bataille à grande échelle et sans volonté évidente de calmer les tensions, même si personne n’est intéressé par une telle escalade et qu’aucune des deux parties ne saurait tirer profit d’une autre effusion de sang.

Malgré certaines similitudes avec les événements du printemps dernier, y compris les tensions et les affrontements à Al-Haram al-Sharif, il y a aussi beaucoup de spontanéité dans la vague actuelle d’attaques menées par des Palestiniens contre des citoyens israéliens principalement. 19 personnes ont jusque-là été tuées, sans compter les nombreux blessés. À la suite de l’intensification des opérations des forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie en réponse à l’augmentation de la violence, au moins vingt-six Palestiniens auraient été tués, y compris l'assassinat tragique cette semaine de la célèbre journaliste d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh.

La plupart des auteurs des attaques ne sont affiliés à aucune organisation palestinienne connue; il s’agit plutôt d’une situation où le Hamas, par exemple, donne sa bénédiction inutile aux meurtres d’Israéliens, plutôt que de les initier activement. À cette occasion, les dirigeants du groupe pourraient bien être entraînés dans une confrontation violente avec Israël, et vice-versa, sans objectif stratégique en tête.

Dans l’état actuel des choses entre Israéliens et Palestiniens, et en l’absence de tout horizon diplomatique et politique de paix, les développements sont dictés par les événements et non par les dirigeants israéliens ou palestiniens à Ramallah et à Gaza respectivement. Ils réagissent à des événements dont ils ne sont pas nécessairement à l’origine, mais restent cependant les acteurs responsables de circonstances propices à la violence plutôt qu’à la paix entre les deux peuples.

En conséquence, les sources inorganisées et diverses des foyers de tension actuels les rendent perplexes. Ils sont emportés dans une dynamique qui pourrait les conduire à de nouvelles confrontations potentiellement sanglantes, au lieu de les éloigner du gouffre.

L’hypothèse de travail d’Israël est que ce qui ressemble à une vague de terrorisme aléatoire sans groupe(s) spécifique(s) se poursuivra. Les forces de sécurité n’ont pour seule solution que de tuer ou de saisir les auteurs au lendemain des attentats. En l’absence de renseignements suffisants pour les en empêcher, ils tenteront de rétablir une certaine dissuasion, voire la peur, en recourant à une force excessive et à des sanctions collectives contre les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.

Il y a aussi un espoir – pas forcément justifié – que la recrudescence des violences ces dernières semaines soit liée au mois sacré du Ramadan. Maintenant qu’il est terminé, la situation devrait se calmer.

Les causes profondes sont, avant toute chose, l’occupation et la détérioration des conditions politiques et économiques dans lesquelles vivent les Palestiniens.

Yossi Mekelberg

Les commémorations et les fêtes contribuent peut-être à la violence politique, mais les causes profondes sont, avant toute chose, l’occupation et la détérioration des conditions politiques et économiques dans lesquelles vivent les Palestiniens, y compris ceux à l’intérieur d’Israël et qui, tragiquement, motivent certains à recourir à la violence. Plus que tout, cela montre le niveau de désespoir chez tous ces Palestiniens qui sont forcés de vivre dans des conditions inacceptables.

Dans cette situation qui contraint les dirigeants des deux côtés à calmer les esprits, des politiciens irresponsables attisent plutôt les tensions politiques. Le Hamas et son chef, Yahya Sinwar, félicitent ceux qui tuent aveuglément des Israéliens, s’appropriant en quelque sorte ces actes pour placer le Hamas à l’avant-garde de la lutte armée contre Israël. 

Ainsi, Yahya Sinwar met en péril le calme relatif le long de la frontière avec Israël, ainsi que les améliorations – bien qu’insuffisantes – qui résultent de l’assouplissement de certaines restrictions en lien avec le mouvement de biens et de personnes vers et depuis Gaza, et l’accès à la mer.

Exploiter la situation instable à Al-Haram al-Sharif et déclarer que «la bataille pour protéger la mosquée Al-Aqsa commencera après le mois de Ramadan parce que les sionistes ont en tête un certain nombre de dates où ils tenteront de pénétrer dans la mosquée» n’attise pas uniquement les tensions mais sert également les intérêts de ceux qui, en Israël, pensent que la seule façon de traiter avec Gaza est de l’étouffer sur le plan économique. Cela laisse aussi entendre qu’Israël pourrait prendre Yahya Sinwar lui-même pour cible, ce qui, bien sûr, conduirait à une confrontation à part entière entre Israël et le Hamas.

En l’absence d’un lieu clair à cibler dans le but de restaurer un certain niveau de dissuasion contre les attaques terroristes, les autorités israéliennes tirent à l’aveuglette. Elles recourent à d’anciennes méthodes qui consistent à utiliser à la fois la force et les sanctions collectives, ce qui ne manquera pas d’exacerber la situation, entraînant un plus grand malaise et une plus grande colère parmi les Palestiniens et, par conséquent, encore plus de violence. Après tout, depuis 1967, la nature même de l’occupation a favorisé des rapports de violence entre Israéliens et Palestiniens et continue d’ailleurs d’engendrer la violence.

Pénétrer dans les villes israéliennes en tuant des gens au hasard ne peut jamais être justifié et ne sert pas non plus la cause palestinienne. Cet acte sert plutôt les intérêts de ceux qui s’opposent à la paix, à la coexistence et à la réconciliation entre les deux peuples, puisqu’il alimente la haine et la peur et donne le pouvoir à ceux qui croient aux objectifs maximalistes de ce conflit.

Cependant, l’occupation en cours, dans toute sa dureté, fait exactement la même chose. Les actions des Forces de défense israéliennes consistant à annuler les permis de travail des Palestiniens ou à fermer les points de passage vers Gaza sont des actes de punition collective qui aggraveront la pauvreté et la misère générale parmi ceux qui vivent sous occupation ou blocus et ne mettront pas fin aux actes de terrorisme. Démolir les maisons des familles de terroristes ne fait pas partie des processus de justice ou de dissuasion puisque cela consiste à imposer des sanctions à des innocents sans procédure légale régulière. Cela ne fera qu’exacerber la lutte armée contre Israël.

Le mois prochain, le président américain Joe Biden devrait se rendre en Israël et peut-être à Jérusalem-Est, non accompagné de responsables israéliens. Nous l’espérons de tout cœur. Si, au milieu de la tourmente mondiale, le dirigeant du monde libre trouve le temps de visiter la Terre sainte, il devrait faire en sorte que ce voyage puisse avoir une très grande incidence.

Avant tout, il doit témoigner de l’engagement et du leadership américains en faveur de la négociation d’une paix juste et équitable capable de garantir la sécurité de tous les citoyens israéliens et palestiniens, leur bien-être et leurs droits humains et politiques. Sinon, le chemin vers des cycles d’hostilités sans fin et de vies perdues serait inévitable.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena) à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.

Twitter: @Ymekelberg

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com