Israël est au bord de l’abîme

Benjamin Netanyahou, ancien Premier ministre israélien et chef du parti Likoud, au siège de son parti, à Jérusalem, le 2 novembre 2022 (Photo AP).
Benjamin Netanyahou, ancien Premier ministre israélien et chef du parti Likoud, au siège de son parti, à Jérusalem, le 2 novembre 2022 (Photo AP).
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Publié le Lundi 07 novembre 2022

Israël est au bord de l’abîme

Israël est au bord de l’abîme
  • Israël est désormais plus polarisé, l’extrême droite se faisant de plus en plus entendre et occupant une place plus importante au sein de la société
  • M. Netanyahou semble déterminé à bloquer toute tentative de voir naître un État palestinien

Les cinquièmes élections israéliennes en trois ans ont été marquées par le retour de Benjamin Netanyahou et la défaite du Premier ministre sortant, Yaïr Lapid, favorisant ainsi la haine envers les Palestiniens – un tournant dangereux pour le pays.

Israël est désormais plus polarisé, l’extrême droite se faisant de plus en plus entendre et occupant une place plus importante au sein de la société. Les normes démocratiques, ou ce qu’il en reste, ont été encore plus sapées. Et désormais, sans surprise, les alliés de «Bibi» parlent de changer la loi pour bloquer son procès pour corruption.

Il convient de noter que le gouvernement précédent a échoué en raison de divergences sur la politique de colonisation en Cisjordanie occupée, la relation entre l’État et la religion ainsi que les droits de la minorité palestinienne/arabe. Il est peu probable que la nouvelle administration s’en tire beaucoup mieux pour traiter efficacement ces problèmes.

La victoire de M. Netanyahou signifie que les perspectives de paix ou de règlement du conflit sont de plus en plus compromises. Même avant les élections, les dirigeants israéliens ont montré peu de bonne volonté. Malgré la position et le discours conciliants de M. Lapid à l’Organisation des nations unies (ONU), l’expansion des colonies s’est poursuivie sans relâche.

De plus, Tel-Aviv poursuit la pratique illégale de la punition collective et la démolition de maisons, malgré la condamnation mondiale. Comment un pays peut-il prétendre être démocratique quand il recourt à ces moyens antidémocratiques pour punir les gens? Où est le respect de la propriété privée qui est un principe fondamental de la démocratie et de l’État de droit?

Cette évolution de la société israélienne constitue une menace existentielle pour le pays et pourrait créer de nouvelles divisions. Israël a toujours été vénéré en Occident, en particulier aux États-Unis, comme étant un modèle de démocratie parmi tant de «régimes autoritaires». Cette perception est plus menacée que jamais avec la montée en puissance de l’extrême droite et la multiplication des acteurs marginaux qui divisent, comme Itamar Ben-Gvir. La question qui se pose désormais à tous les Israéliens est de savoir si c’est vraiment le pays qu’ils veulent.

Benjamin Netanyahou semble déterminé à bloquer toute tentative de voir naître un État palestinien. Reste à savoir comment cela se traduira en politique. Son bilan met en lumière la voie qu’il prendra, notamment en supervisant l’adoption de la loi sur la citoyenneté qui est discriminatoire à l’égard des Palestiniens vivant en Israël. Il s’agit d’une nouvelle étape de la transformation d’Israël en un État d’apartheid. Si les promesses de campagne de M. Netanyahou se réalisent, alors il n’y aura pas de place pour les libéraux qui croient en la coexistence avec les Palestiniens.

Dans une vidéo montrant des fanatiques sionistes appelant à la mort des Palestiniens, un extrémiste crie que les pays arabes n’aideront plus les Palestiniens. N’est-il pas curieux de constater qu’au moment où certains pays arabes considèrent Israël comme un contrepoids à l’Iran, un nombre croissant de pays occidentaux soient rebutés par les changements dont le pays est témoin? Cela inclut les transgressions des Forces de défense israéliennes qui sont devenues de plus en plus difficiles à dissimuler.

Yaïr Lapid était le seul dirigeant capable d’endiguer ce virage à droite au sein de la société. Malgré les différences idéologiques entre les diverses factions qui formaient le gouvernement Lapid/Bennett, l’inclusion de ministres arabes avait une grande signification et elle marquait le début de la voie vers la réconciliation et la paix.

Malheureusement, les élections ont montré que l’électorat israélien est plus motivé par l’idéologie que par la pensée rationnelle. Selon un militant pour la paix, ces «fascistes fous» détestent les libéraux autant qu’ils détestent les Palestiniens. Nous devrons désormais observer comment ce récit belliqueux affectera la cohésion sociale à l’intérieur d’Israël.

Benjamin Netanyahou voudra tenir ses promesses afin de plaire à ses alliés et rester au pouvoir. Cela  implique de mettre en place des politiques discriminatoires contre les citoyens palestiniens d’Israël. Cela conduira à la marginalisation non seulement de ces citoyens, mais aussi des libéraux qui ne veulent pas faire partie d’un tel projet. M. Netanyahou se trompe s’il pense pouvoir compter sur le soutien des pays arabes, car la normalisation peut être révoquée comme cela s’est produit avec la Mauritanie.

«Pour Benjamin Netanyahou et ses semblables, la cohésion sociale et la création d’un système durable ne seront jamais une préoccupation primordiale. Le dirigeant ne sera jamais rien de plus qu’un marchand de peur qui veut récolter le plus de voix possible pour rester au pouvoir.» - Dr Dania Koleilat Khatib

Ce pays arabe a normalisé ses relations avec Israël en 1999, mais il a rompu ses relations diplomatiques dix ans plus tard à la suite de l’attaque menée contre Gaza. Donc M. Netanyahou ne peut pas tenir pour acquis le consentement arabe et estimer qu’il a carte blanche avec les Palestiniens. Ce serait une politique très périlleuse à suivre. Cependant, pour Benjamin Netanyahou et ses semblables, la cohésion sociale et la création d’un système durable ne seront jamais une préoccupation primordiale. Le dirigeant ne sera jamais rien de plus qu’un marchand de peur qui veut récolter le plus de voix possible pour rester au pouvoir.

Il faut reconnaître que la victoire de M. Netanyahou et la montée au pouvoir de l’extrême droite n’ont pas été une surprise. Cette situation s’inscrit dans une tendance qui se dessine depuis dix ans. Elle est aussi une conséquence de l’échec de la gauche à trouver une solution à l’impasse israélo-palestinienne. Malgré le récit «conciliant» de M. Lapid, aucune attention ou effort réel n’a été fait pour parvenir à une solution. En réalité, l’année écoulée a été marquée par les affrontements les plus violents depuis 2015. C’est évidemment une nouvelle déception pour ceux qui veulent voir une solution à deux États et la paix dans la région.

Ceux qui soutiennent Benjamin Netanyahou aujourd’hui devraient comprendre qu’Israël a fait un pas de plus vers l’abîme et qu'il vacille dangereusement sur le bord.

 

La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et en particulier du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise. 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com