La violence est inévitable tant que le conflit israélo-palestinien n'est pas résolu

Des femmes derrière des dispositifs antivéhicules dans le camp de réfugiés palestiniens de Jénine, en Cisjordanie, le 18 avril 2023 (Photo, AFP).
Des femmes derrière des dispositifs antivéhicules dans le camp de réfugiés palestiniens de Jénine, en Cisjordanie, le 18 avril 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 02 mai 2023

La violence est inévitable tant que le conflit israélo-palestinien n'est pas résolu

La violence est inévitable tant que le conflit israélo-palestinien n'est pas résolu
  • Contrairement à ce qui s'est produit dans le passé, cette fois-ci les deux parties se testent mutuellement, mais se gardent bien de provoquer une réaction excessive
  • Si les Israéliens sont choqués par certains meurtres inexcusables commis par des terroristes palestiniens, ils doivent se souvenir des nombreux civils palestiniens qui sont tués chaque année

Les affrontements entre Israéliens et Palestiniens à cette période de l'année n'ont rien de nouveau, surtout lorsque les fêtes du Ramadan, de la Pâque et de Pâques coïncident. Cette tournure tragique des événements est devenue une sorte de rituel, pas très agréable, car leurs désaccords semblent plus insurmontables que jamais, leurs dirigeants de plus en plus autoritaires et déconnectés de la population et leurs sociétés polarisées. Si les événements récents ont mis en évidence des schémas familiers, ils en ont également présenté de nouveaux, pour la plupart malvenus, même si le fait que ces dirigeants aient réussi jusqu'à présent à empêcher la violence de dégénérer en une véritable guerre est une source de réconfort relatif.

Tant qu'il n'y aura pas de résolution qui aille au-delà de la gestion des conflits et qui soit suffisamment courageuse et réfléchie pour s'attaquer aux causes profondes du conflit entre ces deux peuples, les explosions de violence seront inévitables. Sachant à quel point la situation est volatile, en particulier à Jérusalem, des inquiétudes et des avertissements concernant les hostilités ont été émis des mois à l'avance, mais ces dernières années, il semble que toutes les parties concernées préfèrent faire face aux conséquences de ces confrontations plutôt que de prendre les mesures nécessaires et de mettre en place des mécanismes politiques et diplomatiques pour les éviter. Contrairement à ce qui s'est produit dans le passé, cette fois-ci les deux parties se testent mutuellement, mais se gardent bien de provoquer une réaction excessive de la part de l'autre. Cependant, personne ne sait combien de temps cette retenue durera; il n'y a aucune garantie.

Un facteur qui ajoute à l'imprévisibilité de la situation est la formation du gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël, ce qui est à la fois intimidant et déroutant pour les Palestiniens et a des conséquences plus importantes pour la région. D'une part, ce gouvernement comprend des ministres qui appellent à l'expansion des colonies, à l'annexion de la Cisjordanie occupée, à la modification du statu quo à Al-Haram al-Sharif et qui sont généralement hostiles aux Palestiniens. D'autre part, en raison de ses propres erreurs de calcul et d'appréciation, il est préoccupé par les affaires intérieures, est profondément divisé et a par conséquent affaibli la société ainsi que ses forces de sécurité, ce qui pourrait inciter non seulement les Palestiniens, mais aussi l'Iran et ses alliés régionaux, à tester sa détermination.

Pour le monde perplexe, voire étonné, le nouveau gouvernement israélien s'est lancé dans une mission de destruction de la démocratie, divisant la société et provoquant également la colère de nombreux soldats réservistes qui, pour la première fois dans l'histoire du pays, refusent de se présenter pour le service. Il s'agit là d'une faiblesse manifeste, mais le Premier ministre Benjamin Netanyahou, au lieu d'en assumer la responsabilité, incrimine les centaines de milliers de manifestants qui tentent de sauver leur démocratie.

Pour les Palestiniens, c’est effrayant de clarté dans le sens où ce gouvernement ne s'embarrasse pas de la moindre prétention à vouloir un règlement politique du conflit, pas plus qu'il ne semble se soucier de la façon dont la communauté internationale le perçoit ou pourrait réagir aux provocations du gouvernement lui-même ou des colons juifs.

Le choix laissé à de nombreux Palestiniens – en particulier face au désarroi de leurs propres dirigeants, qui découle en grande partie de la scission entre l'Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza – est soit de revenir à une résistance plus active à l'occupation, soit d'éviter tout acte qui contrarierait un gouvernement israélien et lui donnerait le prétexte de recourir à une force excessive pour réprimer cette résistance et même annexer des parties de la Cisjordanie. Il va sans dire qu'aucune de ces deux options n'est attrayante et qu'elles aboutiront soit à une réaction lourde et disproportionnée de la part d'Israël, avec des conséquences terribles, soit à un retour à la situation actuelle, inacceptable, de vie sous une occupation oppressive.

Pourtant, les affrontements de ces dernières semaines ont été localisés et limités dans le temps. Le Hamas pourrait encourager les fidèles musulmans à se heurter aux forces de sécurité israéliennes, mais lorsque les plus fanatiques des groupes d'extrême droite messianiques et religieux juifs insistent pour pratiquer un ancien rituel de sacrifice pour la Pâque dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa pendant le Ramadan, il n'est pas nécessaire de beaucoup les encourager, surtout lorsque le gouvernement actuel soutient la construction d'un troisième temple juif sur le site.

De nombreux Israéliens, qui ne sont pas nécessairement déraisonnables, me répètent que tout le monde devrait avoir les mêmes droits de culte sur le Mont du Temple et que les juifs ne devraient pas faire l'objet de discriminations. Cet argument a quelque chose de naïf, mais il est inquiétant de constater qu'il est également insensible et qu'il ne tient pas compte du contexte général. Qui n'aimerait pas voir Jérusalem devenir une ville de paix, un centre de collaboration interreligieuse et un exemple pour le reste du monde de personnes de différentes confessions vivant en harmonie? Mais cela n'est pas possible tant que l'occupation israélienne se poursuit, que le droit des Palestiniens à l'autodétermination est nié et qu'un groupe de provocateurs, contre l'avis religieux de la grande majorité des rabbins, exacerbe une situation déjà sensible. Cette situation a été aggravée par la réaction disproportionnée des forces de sécurité israéliennes lorsque des fidèles musulmans se sont barricadés à l'intérieur de leur mosquée.

L'horrible assassinat par des terroristes palestiniens d'une mère juive et de ses deux filles de la colonie d'Efrat, tout comme la collision de véhicule – à supposer qu'elle ait été délibérée – qui a causé la mort d'un touriste italien et blessé d'autres personnes sur la promenade de Tel-Aviv, sont inexcusables et n'amélioreront guère la vie des Palestiniens ni ne mettront fin à l'occupation et à l'oppression du peuple palestinien. Toutefois, si les Israéliens sont à juste titre choqués par ces meurtres, ils doivent également se souvenir des nombreux civils palestiniens qui sont tués chaque année par les forces de sécurité israéliennes en toute impunité.

La formation du gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël est un facteur qui ajoute à l'imprévisibilité de la situation.

Yossi Mekelberg

Ce qui a probablement surpris Israël plus que tout autre événement récent, c'est le tir de 34 roquettes depuis le Liban par un groupe palestinien qui a très probablement reçu le feu vert du Hezbollah. D'après ce que nous savons jusqu'à présent, il semble qu'il s'agisse d'une tentative localisée visant à souligner la vulnérabilité d'Israël face aux attaques venant du nord, alors qu'Israël attaque régulièrement des cibles iraniennes et du Hezbollah en Syrie. Sa réponse militaire plutôt modérée au Liban et à Gaza a montré qu'Israël n'était pas intéressé par l'ouverture d'un nouveau front avec son ennemi juré du nord ou par la poursuite d'une guerre avec le Hamas à Gaza.

La Pâque et les fêtes de Pâques sont terminées et bientôt le Ramadan s'achèvera également, mais les causes sous-jacentes du conflit israélo-palestinien demeureront. Personne ne devrait avoir la prétention de croire que le calme est garanti pour les prochaines semaines, mais même si c'était le cas, profiter d'une accalmie dans les hostilités sans chercher une solution pacifique à long terme ne serait que trompeur et éphémère.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House. Il contribue régulièrement à la presse écrite et électronique internationale. Twitter: @YMekelberg

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com