La famine: l’arme de guerre criminelle d’Israël

Des Palestiniens participant aux prières du vendredi midi devant les ruines de la mosquée al-Faruq, détruite lors des frappes israéliennes à Rafah. (fournie)
Des Palestiniens participant aux prières du vendredi midi devant les ruines de la mosquée al-Faruq, détruite lors des frappes israéliennes à Rafah. (fournie)
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Publié le Samedi 02 mars 2024

La famine: l’arme de guerre criminelle d’Israël

La famine: l’arme de guerre criminelle d’Israël
  • Le droit international humanitaire et les lois de la guerre indiquent très clairement qu’affamer des civils comme arme de guerre est interdit
  • Non seulement les Israéliens ont refusé l’entrée de nourriture et d’autres aides humanitaires dans les parties nord de Gaza, où se trouve une frontière avec Israël, mais ils l’ont également fait depuis la frontière sud avec l’Égypte

La communauté internationale appelle depuis des mois Israël à mettre un terme à la famine en tant qu’arme de guerre contre la population civile de Gaza. L’espoir d’Israël, publiquement déclaré, est qu’en infligeant des souffrances au peuple palestinien, il pourra obtenir un accord mieux négocié avec le Hamas.

Cependant, une telle mesure israélienne est un crime de guerre – dont l’énormité est devenue évidente jeudi, lorsque les soldats israéliens ont ouvert le feu sur des Palestiniens affamés qui se précipitaient pour chercher de la nourriture auprès d’un convoi de camions humanitaires, juste à l’extérieur de la ville de Gaza. Plus d’une centaine d’entre eux ont ainsi été tués.

Le droit international humanitaire et les lois de la guerre indiquent très clairement qu’affamer des civils comme arme de guerre est interdit. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale stipule clairement qu’affamer intentionnellement des civils en «les privant de choses indispensables à leur survie, notamment en empêchant délibérément l’acheminement des secours» constitue un crime de guerre. L’intention criminelle ne nécessite pas l’aveu de l’agresseur, mais peut également être déduite de l’ensemble des circonstances de la campagne militaire. Dans le cas de Gaza, tant l’intention que l’action ont été documentées. Dès le premier jour de la guerre menée par Israël, son ministre de la Défense déclarait publiquement qu’aucune nourriture, eau ou électricité ne serait autorisée dans l’enclave.

«Le blocus continu de Gaza par Israël, ainsi que son bouclage depuis plus de 16 ans, équivaut à une punition collective envers la population civile, et un crime de guerre. En tant que puissance occupante à Gaza, en vertu de la Quatrième Convention de Genève, Israël doit veiller à ce que la population civile reçoive de la nourriture et des fournitures médicales», a déclaré Human Rights Watch en décembre. Fin février, la situation était devenue bien pire.

Non seulement les Israéliens ont refusé l’entrée de nourriture et d’autres aides humanitaires dans les parties nord de Gaza, où se trouve une frontière avec Israël, mais ils l’ont également fait depuis la frontière sud avec l’Égypte. Israël a bombardé des camions en provenance d’Égypte, obligeant les Égyptiens à accepter le contrôle israélien sur le moment et la manière dont toute chose est autorisée à entrer à Gaza. En conséquence, chaque camion transportant des vivres doit d’abord se rendre jusqu’à la frontière israélienne, où il est contrôlé. Après ce long contrôle, les camions, accompagnés par Israël, sont autorisés à entrer à Gaza via le terminal de Rafah.

Les membres des équipes d’aide humanitaire parlent de la nécessité de faire entrer chaque jour des centaines de camions de nourriture à Gaza pour répondre aux besoins de la population affamée. Le manque de nourriture est devenu si extrême qu'un sac de 3 kg de blé est vendu 100 dollars, ce que quasiment aucune famille de Gaza ne peut se permettre.

Les mesures israéliennes visant à utiliser la famine comme arme de guerre ont transformé les Palestiniens affamés en Palestiniens morts.

Daoud Kuttab

La situation dans le sud de Gaza est devenue encore plus désastreuse à mesure que l’armée israélienne se déplaçe du nord vers le centre, puis vers le sud. Elle a occupé la ville de Gaza, puis Khan Younès, tout en poussant les Palestiniens à se déplacer vers le sud, à Rafah, où jusqu'à 1,5 million de personnes sont désormais piégées. Ils ne peuvent pas retourner vers le nord sans risquer leur vie, et les Égyptiens ne permettront à personne de traverser le Sinaï de peur qu’Israël ne les autorise jamais à rentrer – nettoyage ethnique, encore un autre crime de guerre. Le petit nombre de camions chargés d’aide alimentaire arrivant finalement à Rafah sont naturellement envahis par une population affamée.

Au lieu de permettre l’entrée normale d’approvisionnements alimentaires suffisants à Gaza, les mesures israéliennes visant à utiliser la famine comme arme, ont transformé les Palestiniens affamés en Palestiniens morts. Alors que la situation dans le sud de Gaza est désastreuse, le niveau de famine dans le nord est encore pire. Israël refuse d’autoriser les camions de blé à entrer dans le nord à cause d’une poignée de manifestants israéliens juifs radicaux. S'ils avaient été Palestiniens, ils auraient bien sûr été abattus sur le champ. Mais comme ce sont des compatriotes israéliens, l’armée, heureuse de maintenir la pression humanitaire, n’a pas fait grand-chose pour permettre l’arrivée des camions de blé qu’Israël avait promis à ses alliés américains de livrer au nord de Gaza.

La situation désespérée dans le nord de Gaza a conduit l’Armée de l’air royale jordanienne à organiser des largages aériens quotidiens, bien que les armées d’occupation soient tenues par le droit international de répondre à tous les besoins humanitaires des personnes placées sous leur contrôle militaire direct.

La réponse tardive d’Israël au massacre de jeudi a été d’affirmer avoir ouvert le feu uniquement sur les personnes qui «représentaient une menace» et que la plupart des morts avaient été piétinés dans une ruée chaotique pour la nourriture. Cependant, comme l’ont constaté à plusieurs reprises des Israéliens ayant une vue claire des choses, comme le journaliste Gideon Levy, Israël est le seul à prétendre être une victime, tout en décrivant les véritables victimes comme responsables de leur propre mort. «Je ne me souviens pas d'une seule occupation où l'occupant se présentait comme une victime», a-t-il déclaré.

La Cour mondiale, et les alliés les plus puissants d’Israël, notamment les États-Unis, et le monde entier, appellent Israël à cesser d’utiliser la famine comme arme de guerre. Le moment est venu pour le monde de commencer à imposer des sanctions à Israël. Tout pays qui fournit des armes à Israël est complice de ses crimes de guerre et du génocide du peuple palestinien.

 

• Daoud Kuttab est un journaliste palestinien ayant été primé, et directeur du Community Media Network. X: @daoudkuttab

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com