Gaza: enfin une résolution adoptée par l’ONU, mais quelle est la prochaine étape?

Lundi dernier, une résolution a finalement été adoptée, après que les États-Unis se sont abstenus de voter. (Capture d'écran)
Lundi dernier, une résolution a finalement été adoptée, après que les États-Unis se sont abstenus de voter. (Capture d'écran)
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Publié le Dimanche 31 mars 2024

Gaza: enfin une résolution adoptée par l’ONU, mais quelle est la prochaine étape?

Gaza: enfin une résolution adoptée par l’ONU, mais quelle est la prochaine étape?
  • Cinq tentatives ont été nécessaires avant d’adopter un projet de résolution
  • Quatre avaient été rejetées par veto – trois d’entre elles par les États-Unis et une par la Russie et la Chine

La lenteur, et plus encore le cynisme qui caractérisaient les discussions sur une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, appelant à une trêve à Gaza, étaient plus qu’exaspérants.

Cinq tentatives ont été nécessaires avant d’adopter un projet de résolution. Quatre avaient été rejetées par veto – trois d’entre elles par les États-Unis et une par la Russie et la Chine. Pendant ce temps, l’ensemble de la population palestinienne de Gaza et les otages israéliens toujours détenus par le Hamas sont les victimes directes de ce jeu des grandes puissances.

Cette situation a tourné en dérision le Conseil de sécurité, un organe chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales mais qui, au fil des années, n’a pas réussi à atteindre cet objectif. Il s’est plutôt transformé en un espace de discussion où ses cinq membres permanents – les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et la France – s’annulent mutuellement par des discours interminables et se servent de leur droit de veto pour rejeter toute décision.

Lundi dernier, une résolution a finalement été adoptée, grâce à l’abstention des États-Unis lors du vote, appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza pendant le mois de Ramadan. Ce cessez-le-feu devrait être «respecté par toutes les parties, conduisant à un cessez-le-feu durable». La résolution a également exigé «la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages».

Pourtant, les combats continuent de faire rage. Le chemin pour parvenir à cette résolution a été ardu, mais la plus grande question est de savoir comment la faire valoir. En d’autres termes, est-elle exécutoire?

Quelle que soit la façon dont on lit le texte de la résolution, elle aurait pu et aurait dû être adoptée il y a des semaines, voire des mois. En fin de compte, il aurait pu être utile que la résolution retenue soit rédigée par les dix membres non permanents du Conseil de sécurité; au moins, elle a épargné à la Chine, à la Russie et aux États-Unis l’embarras que leur échec antérieur à parvenir à un accord sur une résolutionimplique.

Dès le départ, aucun projet de résolution ne pouvait satisfaire aux exigences des principaux antagonistes de cette guerre, Israël et le Hamas, ou des trois grandes puissances. La Russie et la Chine ont insisté sur une résolution exigeant un cessez-le-feu permanent, tandis que les États-Unis étaient déterminés à inclure une condamnation explicite du Hamas.

La priorité aurait toujours dû être de sauver des vies, de mettre fin à la misère des personnes retenues en captivité par le Hamas et ses alliés et de sauver l’ensemble de la population de Gaza de la brutalité de la guerre.

Les civils ne devraient jamais être de simples pions pris entre les feux des belligérants. Alors que des milliers d’innocents perdent la vie, que les hôpitaux et les écoles deviennent des champs de bataille, que des millions de personnes sont confrontées à la famine sans aucune aide médicale adéquate, un appel à un cessez-le-feu immédiat est un impératif moral, tout comme l’exigence de libérer tous les otages qui vivent l’enfer aux mains de leurs ravisseurs.

«Israël a désespérément besoin du soutien de Washington alors qu’il s’isole de plus en plus sur la scène internationale.»

Yossi Mekelberg

Il est du devoir de la communauté internationale, dirigée par le Conseil de sécurité, de garantir qu’une trêve soit conclue, que les otages soient rapatriés chez eux et qu’une aide humanitaire suffisante parvienne à ceux qui en ont si désespérément besoin, avant même de rechercher les responsabilités pour les meurtres et destructions en cours.

Un cessez-le-feu permanent et, par ailleurs, un horizon de paix durable, devraient rester l’objectif ultime, qui garantirait que les atrocités du 7 octobre et la réponse disproportionnée de l’armée israélienne ne se reproduiront plus jamais.

Certes, cela nécessitera une désescalade progressive de la situation actuelle, en commençant par l’instauration d’un certain comportement rationnel après près de six mois durant lesquels la mort et la destruction ont régné en maîtres absolus.

Le rejet par Israël de la résolution et le soutien du Hamas à cette dernière étaient diamétralement opposés, mais aucune des deux réactions n’a témoigné du moindre signe d’une éventuelle initiative de paix de leur part.

De plus, les États-Unis ont immédiatement qualifié la résolution de «non contraignante», ce qui implique qu’il n’y a aucune obligation légale de la respecter, sapant ainsi les efforts visant à parvenir à un accord de cessez-le-feu.

Néanmoins, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a quand même dirigé sa colère contre Washington pour s’être abstenu lors du vote, permettant ainsi l’adoption de la résolution. Il a annulé la visite prévue d’une délégation de haut rang à la Maison-Blanche pour discuter du projet israélien de lancer une attaque terrestre sur la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, à laquelle l’administration Biden s’oppose fermement, surtout en l’absence de toute proposition viable pour l'évacuation des civils qui s’y réfugient.

Mettre un terme aux discussions avec les États-Unis sur Rafah est sans doute un moyen pratique pour Netanyahu de se servir de l’abstention américaine lors du vote du Conseil de sécurité pour éviter des discussions difficiles à Washington sur l’incursion militaire prévue à Rafah. Pourtant, les autorités israéliennes se tirent une balle dans le pied parce qu’elles ont désespérément besoin du soutien de Washington, au moment où elles sont de plus en plus isolées sur la scène internationale.

Même si Netanyahu est par la suite revenu sur sa décision d’annuler la visite de la délégation, cela montre clairement son état d’esprit incohérent et le fait que ses propres calculs de politique intérieure priment sur les intérêts nationaux d’Israël, y compris les efforts visant à garantir le retour des otages chez eux.

Le Hamas, quant à lui, est favorable à un cessez-le-feu, mais souhaite un cessez-le-feu permanent. Il subit une pression militaire sévère et le soutien dont il bénéficie parmi les Palestiniens est en déclin par rapport à ce qu’il était au début de la guerre. Cependant, certains de ses dirigeants sont pleinement conscients qu’un cessez-le-feu ne les sauvera ni politiquement, ni militairement d’ailleurs.

L’adoption cette semaine de la résolution 2728 du Conseil de sécurité de l’ONU a donc constitué un petit pas en avant, même si c’était trop peu et, pour de nombreuses personnes qui ont perdu la vie ou des proches, trop tard. De plus, même si les deux parties respectent pleinement les exigences de la résolution, le mois de Ramadan est déjà à plus de la moitié. Cela signifie qu’au mieux, il s’agirait d’une trêve de deux semaines, et à moins que les négociations qui se déroulent en dehors du système des Nations unies n’aboutissent, nous reviendrons à la case départ, avec le risque qu’Israël estime qu’il doit redoubler d’efforts pour «mener à bien sa mission».

La résolution devrait donc servir davantage de tremplin pour accélérer les négociations sur une trêve à plus long terme qui comprendrait également des accords visant à échanger des otages israéliens contre des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, à permettre une augmentation massive des livraisons d’aide humanitaire à Gaza et à créer l’élan nécessaire pour une transition vers un cessez-le-feu permanent, suivi de la reconstruction de Gaza.

Ceux qui exercent une certaine influence sur l’une ou les deux parties au conflit devraient faire pression sur elles afin qu’elles se conforment à la résolution du Conseil de sécurité. Un résultat pire que l’absence de résolution serait d’en avoir une qui soit ignorée. Disons que cet organisme international en a déjà fait l’expérience.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne. 

X: @YMekelberg      

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com