L’Arabie saoudite et les autres pays du Conseil de coopération du Golfe mènent une politique étrangère axée sur la désescalade à travers le Moyen-Orient, appelant à la fin des conflits actuels et à la prévention de ceux à venir. Ils estiment que la stabilité ne peut être atteinte par la violence, mais uniquement par un dialogue honnête, direct et la mise en place d’accords politiques solides et durables.
Chaque État du Golfe affirme sa souveraineté, sa ligne diplomatique propre et sa lecture individuelle des affaires régionales. Toutefois, un sentiment fort de destin commun les unit, renforcé par le récent affrontement entre Israël et l’Iran. Cet épisode a souligné l’urgence pour le CCG de renforcer son engagement politique collectif, sa coopération sécuritaire et son intégration économique.
Les frappes de missiles iraniennes contre la base aérienne d’Al-Udeid au Qatar en juin ne sont pas un simple incident militaire. Elles marquent un tournant majeur dans la dynamique sécuritaire régionale et posent une question essentielle : l’Iran peut-il être un partenaire régional fiable, ou représente-t-il toujours une menace persistante ?
Les pays du CCG, menés par l’Arabie saoudite, ont toujours privilégié une approche de « juste équilibre » face à Téhéran, plutôt qu’un positionnement d’alliances hostiles. La Vision 2030 du Royaume, ambitieuse feuille de route pour la transformation nationale, ne pourra se concrétiser pleinement tant que les guerres et l’instabilité continueront à miner le Moyen-Orient.
Les frappes sur Al-Udeid ont suscité une réaction ferme de l’Arabie saoudite, qui a dénoncé une « agression flagrante contre l’État du Qatar » et « une violation manifeste du droit international et des principes du bon voisinage — inacceptable et injustifiable en toutes circonstances ». Riyad a réaffirmé sa « pleine solidarité et son soutien indéfectible au Qatar », s’engageant à « mobiliser toutes les ressources disponibles pour appuyer toute décision prise par Doha en réponse ».
Le prince héritier Mohammed ben Salmane a appelé l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, réaffirmant que « le Royaume a pleinement mobilisé ses capacités pour soutenir nos frères qataris, appuyant tous les efforts pour protéger leur sécurité et préserver leur souveraineté ».
La posture ferme de Riyad en soutien à Doha illustre un principe fondamental du Golfe : toute menace extérieure est perçue comme un défi à la sécurité collective des États du CCG, et non d’un seul pays. Ce principe s’était déjà exprimé lors de l’invasion irakienne du Koweït le 2 août 1990, quand tous les États arabes du Golfe se sont unis contre le régime de Saddam Hussein, en coopération avec les forces alliées pour assurer la libération du Koweït.
Concernant la frappe contre Al-Udeid, la réaction du Golfe, notamment celle de l’Arabie saoudite, a été mesurée, réfléchie et non émotionnelle. Riyad n’a pas rompu avec Téhéran ni choisi l’escalade, préférant une posture prudente mais ferme.
L’engagement diplomatique en cours dans le Golfe offre à l’Iran une opportunité cruciale de reconstruire la confiance.
Hassan Al-Mustafa
Cette stratégie reflète ce que l’on peut appeler la « rationalité saoudienne » : une approche fondée non sur la réaction instinctive, mais sur des intérêts calculés et guidés par la souveraineté nationale. La prudence ne doit pas être confondue avec l’inaction. L’incident d’Al-Udeid a mis en lumière les limites de la confiance que l’on peut accorder à l’Iran. La période qui suit cette attaque ne ressemblera pas à celle qui l’a précédée — sans pour autant signifier une rupture. La position du Golfe est devenue plus pragmatique : le dialogue reste ouvert, mais les promesses iraniennes ne seront plus acceptées sans vérification rigoureuse des intentions.
Un facteur important de désescalade a été l’appel téléphonique du président iranien Masoud Pezeshkian à l’émir Tamim, 48 heures après les frappes. Le président a exprimé ses regrets à l’émir et au peuple qatari pour les dommages causés, précisant que ni le Qatar ni ses citoyens n’étaient visés. Il a assuré que l’attaque ne constituait pas une menace envers l’État qatari, rappelant que le Qatar reste une nation sœur, musulmane et voisine. Il a exprimé l’espoir que les relations bilatérales restent fondées sur le respect mutuel de la souveraineté et les principes du bon voisinage.
Ce geste iranien a permis de maintenir un canal diplomatique ouvert. Le 8 juillet, l’Arabie saoudite a accueilli le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi et sa délégation. Lors de cette visite, Araghchi a rencontré le prince héritier, le ministre de la Défense Khalid ben Salmane et le ministre des Affaires étrangères Fayçal ben Farhane.
Durant ces entretiens, le prince héritier a réaffirmé « l’espoir que l’accord de cessez-le-feu ouvre la voie à une plus grande sécurité et stabilité régionales ». Il a souligné l’engagement de l’Arabie saoudite à « résoudre les conflits par le dialogue et les voies diplomatiques ». De son côté, le ministre iranien a remercié le Royaume pour sa condamnation des attaques israéliennes et salué les efforts du prince héritier pour promouvoir la paix et la stabilité dans la région.
L’engagement diplomatique continu offre à l’Iran une opportunité précieuse de regagner la confiance — un pilier essentiel pour établir des relations solides et durables avec ses voisins arabes.
L’Arabie saoudite et les autres États du Golfe restent résolument tournés vers la consolidation de la stabilité régionale et la prévention d’une nouvelle confrontation entre Tel-Aviv et Téhéran. Pour que cette dynamique soit durable, l’Iran devra dépasser le discours et démontrer une coopération concrète, vérifiable, d’abord avec les capitales du Golfe, puis avec la communauté internationale et les institutions multilatérales.
Si cette approche porte ses fruits, elle pourrait ouvrir une nouvelle ère d’équilibre positif, propice à des partenariats économiques, sécuritaires et politiques profonds. En revanche, si les tensions réapparaissent ou si les Gardiens de la révolution iranienne et leurs milices alliées reprennent leurs actions hostiles, le scénario probable sera celui d’un renforcement du confinement et d’une coopération militaire accrue entre États du Golfe, menant à un isolement plus marqué de Téhéran.
Hassan Al-Mustafa est un écrivain et chercheur saoudien qui s'intéresse aux mouvements islamiques, à l'évolution du discours religieux et aux relations entre les États du Conseil de coopération du Golfe et l'Iran.
X : @Halmustafa
NDLR: les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com