Depuis l'attaque du Hamas, la souffrance des Palestiniens dépasse les frontières de Gaza

Des femmes et des enfants palestiniens assis le long du front de mer à Deir el-Balah, au sud de la bande de Gaza, le 29 octobre 2023 (Photo, AFP).
Des femmes et des enfants palestiniens assis le long du front de mer à Deir el-Balah, au sud de la bande de Gaza, le 29 octobre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 30 octobre 2023

Depuis l'attaque du Hamas, la souffrance des Palestiniens dépasse les frontières de Gaza

Depuis l'attaque du Hamas, la souffrance des Palestiniens dépasse les frontières de Gaza
  • Après avoir déclaré la guerre au Hamas il y a plusieurs semaines, Israël s'en prend également aux Palestiniens de Cisjordanie
  • Les Palestiniens vivant juste derrière le mur se sont trouvés dans l'impossibilité de se rendre dans d'autres parties de Jérusalem

Si la guerre israélienne contre Gaza a mobilisé l'attention du monde entier, la situation en Cisjordanie, en particulier à Jérusalem-Est, ainsi qu'en Israël même, est loin d'être facile pour les Palestiniens. La distance entre Jérusalem et le point de passage de Beit Hanoun (Erez) vers Gaza est relativement courte (67 km) et, en voiture, le trajet ne dure pas plus d'une heure. Mais les événements survenus depuis l'opération Déluge d'Al-Aqsa ont renforcé le sentiment de solidarité et d'unité entre les Palestiniens de Jérusalem et ceux de la bande de Gaza.

Après avoir déclaré la guerre au Hamas il y a plusieurs semaines, Israël s'en prend également aux Palestiniens de Cisjordanie. Depuis le 7 octobre, la politique de guerre a levé toute restriction pour les soldats israéliens. Plus de 90 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie, principalement lors d'affrontements avec les troupes israéliennes, dont les règles d'engagement ont été encore assouplies.

L'armée israélienne a mené une série de raids contre les Palestiniens de Cisjordanie, en particulier dans les villes de Naplouse, Jénine et Tulkarem, dans le nord du pays. Cette intensification de la politique israélienne est également apparue lors d'un événement largement médiatisé, au cours duquel le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a annoncé que son ministère achèterait 10 000 fusils pour les équipes de sécurité civiles juives en Cisjordanie.

Dans le même temps, le rapprochement émotionnel et national des Palestiniens a entraîné d'importantes et difficiles répercussions sur la vie et le travail des habitants de Jérusalem. En raison du lien entre Gaza et Al-Aqsa, l'occupant et de nombreux Israéliens se permettent de brutaliser et d'intimider pour tenter de retrouver leur supériorité après l'attentat du 7 octobre.

En particulier, les habitants de Jérusalem, qui souffrent depuis la signature des accords d'Oslo, ont le sentiment d'être des orphelins politiques depuis des années. Le tsunami d'Al-Aqsa a compliqué la situation de la ville sur tous les fronts.

Après avoir déclaré la guerre au Hamas il y a plusieurs semaines, Israël s'en prend également aux Palestiniens de Cisjordanie.

Daoud Kuttab

Les événements de Gaza révèlent la gravité du racisme et de l'arrogance d'Israël et ont ravivé la colère et le dégoût, ce qui augmentera la répression, qui pourra tôt ou tard dégénérer et se transformer en explosion. L'occupant prétendra être surpris par les causes de l'explosion, alors que la raison principale tient à l'état anormal et insoutenable de l'occupation, qui n'a pas de remède miracle pour la liberté et l'indépendance.

De nombreux travailleurs palestiniens ne se sont pas rendus au travail et certains ont reçu des menaces de licenciement si leur absence se prolongeait. En effet, les employeurs semblent ne pas se préoccuper des difficultés d'accès de leurs travailleurs ou des restrictions qui leur sont imposées. Certains travailleurs se sont plaints que leurs employeurs insistaient pour fouiller le contenu de leurs téléphones privés afin de confirmer l'absence de tout signe de solidarité avec leur peuple. Avec la poursuite de l'agression sur Gaza et l'absence de toute forme de cessez-le-feu, de nombreux travailleurs jérusalémites ne savent plus où ils en sont car, en raison de leurs conditions de vie, beaucoup d'entre eux sont obligés d'aller travailler, même s'ils doivent effectuer des trajets plus longs pour se rendre sur leur lieu de travail. Nombre d'entre eux ont effacé le contenu de leur téléphone pour ne pas être licenciés.

La déclaration de guerre a permis à Israël de prendre des mesures beaucoup plus sévères à l'encontre des Palestiniens dans les territoires occupés. Les nouveaux changements de politique comprennent des contrôles internes plus stricts aux points de contrôle en Cisjordanie, ainsi que des contrôles plus rigoureux et des perturbations pour les Palestiniens en Cisjordanie. Par exemple, pendant de longues périodes, le pont du roi Hussein, qui relie la Cisjordanie à la Jordanie, a été fermé ou le nombre de personnes autorisées à circuler dans les deux sens a été limité.

Les permis de voyage, y compris pour les travailleurs, ont été annulés pour des centaines de Palestiniens, ce qui affecte non seulement les travailleurs et les entreprises, mais aussi les personnes nécessitant un traitement médical à Jérusalem et en Israël.

Les Palestiniens vivant juste derrière le mur se sont trouvés dans l'impossibilité de se rendre dans d'autres parties de Jérusalem.

Daoud Kuttab

Dans le même temps, les Palestiniens vivant juste derrière le mur se sont trouvés dans l'impossibilité de se rendre, notamment en voiture, dans d'autres parties de Jérusalem, car Israël impose une réglementation draconienne qui limite les Palestiniens aux quartiers dans lesquels ils sont inscrits d’après leur carte d'identité émise par Israël.

Alors que les déplacements en voiture ont été restreints pour tous, y compris les habitants de Jérusalem, qui vivent au-delà du mur, certains ont pu contourner ces restrictions en passant par des points de contrôle mixtes, tels que le point de contrôle de Hizma dans le nord et le point de contrôle du tunnel près de Bethléem.

De jeunes Palestiniens de la vieille ville de Jérusalem et de ses environs disent avoir été arrêtés par des soldats israéliens, dont certains confisquaient leur téléphone portable pour vérifier s'il contenait du matériel pouvant être considéré comme soutenant la lutte palestinienne en général et le Hamas en particulier.

En Israël même, des brimades similaires ont été signalées par des étudiants universitaires et des employés, dont au moins un employé d'hôpital, certains affirmant avoir été suspendus ou avoir perdu leur emploi parce qu'ils avaient exprimé leur solidarité envers la cause palestinienne. Selon Adalah, une organisation non gouvernementale basée à Haïfa, au moins 40 citoyens palestiniens d'Israël ont été suspendus de l'université au cours des dernières semaines.

La tension à laquelle sont confrontés les Palestiniens, tant en Israël et en Cisjordanie qu'à Gaza, a provoqué un profond clivage dans la région, dont les effets se feront sentir dans les années à venir. Depuis les événements du 7 octobre, la distance entre Gaza et Jérusalem s'est à la fois rapprochée et éloignée.

Daoud Kuttab est un ancien professeur de l’université de Princeton et le fondateur et ancien directeur de l’Institut des médias modernes de l’université Al-Quds à Ramallah.

X: @daoudkuttab

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com