Justice: les principales mesures de la réforme soumise au vote du Sénat

Le Sénat a inscrit un "principe d'impartialité" des magistrats syndiqués, dénoncé à gauche comme une atteinte au droit syndical. (AFP)
Le Sénat a inscrit un "principe d'impartialité" des magistrats syndiqués, dénoncé à gauche comme une atteinte au droit syndical. (AFP)
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Publié le Mardi 13 juin 2023

Justice: les principales mesures de la réforme soumise au vote du Sénat

  • Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice ambitionne de faire passer le budget du ministère de 9,6 milliards d'euros en 2023 à près de 11 milliards d'ici quatre ans
  • Pour renforcer son attractivité, les voies d'accès à la magistrature seront réformées et ouvertes à de nouveaux profils

PARIS: Hausse des moyens, refonte de la procédure pénale, nouveau tribunal des activités économiques: voici les principales mesures du projet de réforme du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, que le Sénat s'apprête à voter mardi.

 

Moyens humains et budgétaires

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice ambitionne de faire passer le budget du ministère de 9,6 milliards d'euros en 2023 à près de 11 milliards d'ici quatre ans.

Il entérine l'embauche de 10.000 personnes, dont 1.500 magistrats d'ici à 2027. Les sénateurs ont porté le nombre de nouveaux greffiers à 1.800 et prévu la création de 600 postes de conseillers pénitentiaires de probation et d'insertion (CPIP).

 

Refonte de la procédure pénale 

Le texte autorise le gouvernement à réécrire par voie d'ordonnance le code de procédure pénale afin d'en "clarifier" sa rédaction. Ce code est passé de 800 à plus de 2.400 articles depuis son entrée en vigueur en 1959.

Un comité d'experts est chargé de ce chantier, lancé en janvier et qui devrait durer au moins un an et demi.

Le Sénat a posé la nécessité de conduire parallèlement le travail de clarification et de simplification. Il a prévu un délai d'un an entre la publication de l'ordonnance et son entrée en vigueur, afin de laisser une marge de manœuvre au Parlement.

Le ministre s'est engagé à ce que le nouveau code n'entre pas en vigueur avant d'avoir été ratifié par le Parlement.

 

Activation à distance d'appareils connectés 

Dans les affaires de terrorisme, et de délinquance et criminalité organisées, caméras ou micros des téléphones, ordinateurs et autres appareils pourront être connectés à distance à l’insu des personnes visées pour capter son et images.

L'activation à distance des appareils pour la géolocalisation serait autorisée pour les infractions punies d'au moins dix ans d'emprisonnement, selon les sénateurs, contre cinq ans dans le texte initial.

La réforme simplifie certaines règles de procédure: perquisitions de nuit élargies en matière criminelle, nouveaux droits pour les personnes placées sous le statut intermédiaire de témoin assisté, visioconférence pour l'assistance d'un interprète ou l'examen médical d'un gardé à vue.

 

Tribunal des activités économiques 

Dans neuf à douze juridictions et pendant quatre ans, seront expérimentés les "tribunaux des activités économiques", aux compétences élargies par rapport aux tribunaux de commerce,  à destination notamment des agriculteurs et  professions libérales.

Une "contribution pour la justice économique" sera mise en place dans ces nouveaux tribunaux afin d'inciter à recourir à un règlement à l'amiable du conflit.

 

Pôles spécialisés dans les violences intra-familiales

Le texte instaure des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intra-familiales dans les tribunaux. Le Sénat a prévu qu'ils soient opérationnels au plus tard au 1er janvier 2024.

 

Compétences du JLD 

Le juge des libertés et de la détention aura la possibilité de se recentrer uniquement sur le pénal. A l'appréciation des juridictions, le président du tribunal pourra décider de transférer ses compétences civiles - maintien des étrangers en situation irrégulière en rétention administrative, hospitalisations sous contrainte - à un autre juge du tribunal judiciaire.

 

Attractivité de la magistrature 

Pour renforcer son attractivité, les voies d'accès à la magistrature seront réformées et ouvertes à de nouveaux profils.

Le Sénat a inscrit un "principe d'impartialité" des magistrats syndiqués, dénoncé à gauche comme une atteinte au droit syndical.

La réforme prévoit par ailleurs la création d'une nouvelle fonction, celle d'"attachés de justice", pour aider les magistrats dans leurs tâches. Fonctionnaires ou contractuels, ils se substitueront aux actuels "juristes assistants", au statut plus précaire et sans formation initiale.

Dans la pénitentiaire, des agents contractuels pourront être recrutés, sans le bac obligatoire, pour "seconder" les surveillants et pallier ainsi la crise du recrutement.

 

Responsabilité des magistrats 

Une mesure du projet de loi organique consiste à assouplir la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables qui estiment que le comportement d'un magistrat dans le déroulement de leur procédure peut relever d'une faute disciplinaire.

Les conditions de recevabilité des plaintes seront simplifiées et la commission d'admission des requêtes pourra directement solliciter l'Inspection générale de la justice pour diligenter une enquête administrative.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.