États-Unis: Où en sont-ils en 2024 et où iront-ils?

Des soldats de la Garde nationale du Texas patrouillent dans le Rio Grande, près de Shelby Park, à Eagle Pass, au Texas, le 26 janvier 2024 (Photo, AFP).
Des soldats de la Garde nationale du Texas patrouillent dans le Rio Grande, près de Shelby Park, à Eagle Pass, au Texas, le 26 janvier 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 01 février 2024

États-Unis: Où en sont-ils en 2024 et où iront-ils?

États-Unis: Où en sont-ils en 2024 et où iront-ils?
  • Les États-Unis, première puissance mondiale, souffrent de problèmes structurels très graves
  • Le plus important d’entre eux est l’effondrement du vaste consensus national sur les principes politiques

Dans un contexte de cadeaux politiques offerts à Israël par les principaux pays occidentaux à l’occasion de la Journée de commémoration de l’Holocauste et de la sympathie manifestée à l’égard de ses dirigeants à l’issue de la position de la Cour internationale de justice (CIJ) sur les actions qu’il a prises – et continue de prendre – dans la bande de Gaza, l’analyse politique a mis l’accent sur Israël. Cependant, des évolutions inattendues se sont également produites aux États-Unis au cours des deux dernières semaines.

La décision du gouverneur de Floride, Ron DeSantis, de se retirer des primaires du Parti républicain a peut-être surpris certains observateurs. M. DeSantis, que beaucoup considéraient comme un candidat idéal pour remporter la prochaine élection présidentielle, a décidé qu’il serait préférable de limiter les pertes et de sortir de la course dès le début, même s’il est arrivé deuxième derrière Donald Trump lors de la première élection primaire dans l’Iowa.

Les qualités suivantes ont déterminé les forces et les faiblesses de la candidature de Ron DeSantis, d'abord face à M. Trump dans les primaires, puis dans la course à la présidence face à Joe Biden.

Tout d’abord, il s’agissait d’un candidat dont l’extrême conservatisme est incontestable. Il briguait l’investiture dans un parti où l’influence de l’extrême droite conservatrice croît fortement et rapidement.

Deuxièmement, il fait partie des jeunes politiciens censés façonner l’avenir du Parti républicain après une ère Trump «personnalisée».

Troisièmement, il a été l’un des premiers hommes politiques à reconnaître l’importance de lutter contre l’immigration et les demandeurs d’asile. À cette fin, il a adopté, sans équivoque, des politiques découlant du «trumpisme», allant parfois même plus loin que le «fondateur», désireux d’ériger un «mur de séparation» avec le Mexique.

Enfin, il est gouverneur du troisième État le plus peuplé des États-Unis, qui est également le troisième plus grand «État latino-américain» (après la Californie et le Texas) et, avec le Texas, un bastion important du Parti républicain.

Cependant, il semblerait que les qualités de M. DeSantis aient commencé à inquiéter son «mentor». Donald Trump a vu passer le statut de Ron DeSantis d’étudiant prometteur à celui de rival cherchant à hériter de son poste trop rapidement. La vérité est que l’appréhension de M. Trump à l’égard de tout candidat sérieux qui lui ferait la concurrence à droite grandit parallèlement aux doutes croissants quant à sa capacité à poursuivre sa campagne électorale jusqu’à l’automne, compte tenu du lot d’allégations politiques et de problèmes juridiques auxquels il fait face.

Cette réalité devient de plus en plus évidente, non seulement au niveau de la position de Donald Trump à l’égard de M. DeSantis, mais aussi de sa position à l’égard de sa seule concurrente restante, Nikki Haley, l’ancienne gouverneur de Caroline du Sud, devenue une rivale sérieuse après le retrait du gouverneur de Floride. Mme Haley pourrait en tirer profit si les problèmes de l’ancien président s’accumulent et si les provocations qu’il initie, ou dans lesquelles il se laisse parfois entraîner, augmentent.

En effet, à la suite des caucus de l’Iowa, puis des primaires du New Hampshire, des voix «sensées» au sein du parti ont exhorté Nikki Haley à rester dans la course contre M. Trump afin que les républicains ne se retrouvent pas sans plan si un imprévu devait survenir dans les prochains mois.

En outre, la récente décision de justice rendue contre Donald Trump dans le procès en diffamation intenté par l’écrivaine E. Jean Carroll, à qui il a été condamné à verser plus de 83 millions de dollars (1 dollar = 0,92 euro), n’est pas le premier et ne sera peut-être pas le dernier verdict prononcé contre lui. Néanmoins, l’ancien président poursuit sa tactique habituelle qui consiste à mobiliser ses partisans en accusant l’administration actuelle de le prendre pour cible et de manipuler le système judiciaire pour le combattre.

Entre-temps, un autre successeur potentiel de M. Trump a utilisé les «vertus» des troubles et de l’agitation populiste pour s’affirmer: le gouverneur du Texas, Greg Abbott.

M. Abbott, qui dirige un État frontalier du Mexique ayant une longue Histoire (politique, culturelle et sanglante) avec ce pays, a décidé que le Texas freinerait l’immigration à la frontière en recourant à ses propres forces, sans en informer le gouvernement fédéral. La Cour suprême (malgré sa majorité conservatrice) s’est prononcée, lundi dernier, par cinq voix contre quatre, en faveur du droit du gouvernement fédéral de retirer les barbelés installés à la frontière avec le Mexique.

Cependant, Greg Abbott, qui fait partie de l’extrême droite du Parti républicain, a décidé de contester la décision de la Cour et la politique du gouvernement. Il a critiqué le gouvernement fédéral pour son laxisme en matière d’immigration et il a ajouté davantage de barbelés. Il a également encouragé ses collègues gouverneurs d’État républicains à faire fi de Washington et à ordonner à leurs gardes nationaux de protéger leurs frontières. Six États ont en effet suivi l’exemple du Texas, dont la Floride, qui fait face à la mer des Caraïbes, et le Montana, à l’extrême nord, à la frontière avec le Canada.

Leur mutinerie rappelle le déclenchement de la guerre civile américaine en 1861. À l’époque, l’État de Caroline du Sud s’était rebellé militairement contre la politique antiesclavagiste du gouvernement fédéral et il avait tiré le premier coup de feu sécessionniste contre le fort Sumter à Charleston.

«Au premier rang des graves problèmes structurels auxquels font face les États-Unis figure l’effondrement du large consensus national sur les principes politiques.» 

Eyad Abu Shakra

À cette époque, comme c’est le cas aujourd’hui, le prétexte était les «droits de l’État». L’argument était que, dans un système politique fédéral, le centre (c’est-à-dire le gouvernement central) ne devrait pas imposer sa volonté aux composantes (c’est-à-dire les États). Quant à la nouvelle contestation, il s’agit de la deuxième dans l’Histoire moderne des États-Unis après la prise d’assaut du Capitole, siège de l’autorité législative fédérale, par les partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021, à la suite du refus du président sortant de reconnaître sa défaite électorale quelques mois plus tôt.

Situation actuelle

Les États-Unis, première puissance mondiale, souffrent de problèmes structurels très graves. Le plus important d’entre eux est l’effondrement du large consensus national sur les principes politiques. Il existe des désaccords explicites sur la manière de définir la démocratie, la légitimité politique, l’indépendance du pouvoir judiciaire et le transfert du pouvoir, sans parler de la banalisation des libertés publiques et de la menace qui pèse sur ces dernières, notamment les libertés académiques et médiatiques.

L’effondrement d’un large consensus au sein d’une entité pluraliste dans laquelle les citoyens ont le droit de porter les armes, dans un climat de polarisation violente et d’exclusion, présente des risques considérables.

Eyad Abu Shakra est rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat. 

X: @eyad1949

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com