BEYROUTH: Les parents des victimes de l’explosion qui a détruit le port de Beyrouth le 4 août 2020 ont organisé une nouvelle manifestation dans la capitale ce lundi, pour exprimer leur colère et leur frustration envers ce qu’ils considèrent comme des «atermoiements» qui entravent l’enquête officielle sur l’explosion.
Ils ont donc bloqué les routes et les entrées qui mènent au palais de Justice pour faire part de leur «rage et du profond sentiment d’injustice qu’ils ressentent à cause de tous ceux qui demandent que le travail du juge Tarek Bitar soit rejeté.»
La manifestation a paralysé le travail au sein des salles de tribunal. Les familles ont accusé les autorités de «négliger [l’affaire], d’ignorer et de dissimuler le crime provoqué par la pire explosion de l’Histoire moderne qui a frappé le Liban et sa capitale.»
Les manifestants ont déclaré qu’ils réclameraient une enquête internationale «si l’enlisement et les menaces se poursuivaient et si l’affaire était oubliée.»
Bitar, 48 ans, n’est pas parvenu à poursuivre l’investigation ni à se pencher sur le rôle qu’auraient pu jouer les politiciens et les responsables dans les événements qui ont mené à l’explosion. Parmi les personnes sous enquête figurent un ancien Premier ministre, quatre ministres, quelques députés, de hauts responsables de la sécurité et des responsables du port.
Le travail du juge a été suspendu pendant plus de deux mois. Bitar s’est chargé de l’enquête en février dernier, après que son prédécesseur, Fadi Sawan, a été écarté par la Cour de cassation suite à des plaintes déposées par deux ministres accusés de négligences ayant entraîné la mort de personnes innocentes.
Depuis qu’il a été chargé de l’enquête, Bitar a été sujet à une campagne de diffamation, à des pressions politiques intenses et à des menaces au sein du palais de Justice provenant d’un responsable du Hezbollah. Les suspects dans cette affaire, dont des ministres et des représentants qui jouissent de l’immunité parlementaire, ont intenté une dizaine de procès pour demander que Bitar soit retiré de l’affaire.
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé Bitar de «politiser l'enquête et d'exercer son pouvoir discrétionnaire». Les partisans du Hezbollah ont organisé des manifestations en octobre pour demander le remplacement du juge. Des partisans du mouvement Amal ont ensuite rejoint les manifestations, qui ont dégénéré en affrontements violents et ont entraîné des décès.
Lors des protestations du lundi au palais de Justice, les familles des victimes ont appelé les responsables à procéder aux nominations judiciaires nécessaires pour garantir le respect des exigences en ce qui concerne le quorum de l'assemblée générale de la Cour de cassation. La Cour a récemment perdu son quorum lorsque l’un de ses juges est passé à la retraite, ce qui a entravé les efforts visant à reprendre l'enquête.
Une délégation représentant les manifestants a communiqué avec le bureau du juge Suhail Abboud, président du Conseil supérieur de la magistrature. Lorsque les membres de la délégation ont demandé le rétablissement du quorum, Abboud leur a répondu que «toute mesure légale susceptible de protéger l'enquête serait étudiée.»
Les protestataires brandissaient des bannières dénonçant «l'autorité politique corrompue, et le fait que les responsables gouvernementaux tentent de faire disparaître le dossier de l’enquête, manipulent la loi et essayent d’écarter le juge Bitar, chargé par tous les Libanais de dévoiler la vérité et de tenir responsables les auteurs de ce crime, qui qu’ils soient.»
Sur l'une de ces bannières, on pouvait lire : «Personne n'est immunisé quand 220 personnes ont été martyrisées et 6 500 autres blessées, quand la moitié de la capitale Beyrouth a été détruite et des centaines de milliers de citoyens ont été déplacés.»
«Vous avez perdu assez de temps, tantôt en vous servant de l'immunité politique, tantôt en accusant le juge Bitar de discrétion ou de politisation dans l’unique but de l'écarter et de fermer l'enquête», ont dit les manifestants dans une déclaration.
«Aujourd'hui, nous soutenons plus que jamais l'enquêteur judiciaire et nous tenons les criminels accusés responsables de n'avoir rien fait, sauf entraver la justice.»
Les familles des victimes ont également exprimé leur colère face à l'inaction des autorités suite au mandat d'arrêt émis par Bitar à l'encontre du député Ali Hassan Khalil, ancien ministre des Finances et adjoint politique de Nabih Berri, chef du mouvement Amal.
Indignés, les contestataires ont voulu savoir «comment ce ministre a pu tenir une conférence de presse depuis une semaine sans que personne ne l’arrête.»
Une source judiciaire a révélé à Arab News que le juge Bitar ne pourrait reprendre l’enquête tant que des nominations n'auront pas été faites à la Cour de cassation et a exclu la possibilité de la tenue de ces nominations avant l'élection présidentielle en mai.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
Les familles des victimes de l’explosion de Beyrouth manifestent devant le palais de Justice
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Les familles des victimes de l’explosion de Beyrouth manifestent devant le palais de Justice

- Les parents des victimes expriment leur colère face à «l’obstruction à la justice» et affirment qu’ils soutiennent, «plus que jamais», le juge d’instruction Tarek Bitar
- Les manifestants réclameraient une enquête internationale «si l’enlisement et les menaces se poursuivaient et si l’affaire était oubliée»
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