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La prise de Contrôle de Saudi Aramco

Implementée dans les années 1970 en tant qu'entreprise américaine, Aramco est désormais entièrement détenue par le Royaume. (Alamy)
Implementée dans les années 1970 en tant qu'entreprise américaine, Aramco est désormais entièrement détenue par le Royaume. (Alamy)
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Publié le Mardi 08 décembre 2020

La prise de Contrôle de Saudi Aramco

  • Aramco débuta les années 1970 en tant que compagnie américaine mais, à l’aube des années 1980, elle appartenait dans sa totalité au Royaume (Alamy).
  • L’acquisition progressive de Saudi Aramco jusqu’en 1980 fut la garantie de ses succès futurs

Résumé

Au début des années 70, Aramco était une compagnie américaine mais, à l’aube des années 1980, elle appartenait dans sa totalité au Royaume et constituait un élément vital de son économie, et plus globalement de l’industrie de l’énergie à l’échelle mondiale. La transformation – obtenue sans les bouleversements que beaucoup d’autres pays du Moyen-Orient ont connu lors de la nationalisation de leur industrie pétrolière – constitua le début d’un processus qui atteignit son point culminant lors de l’introduction en bourse réussie de ce qui est devenu la première capitalisation boursière au monde. Ce processus s’est avéré être un évènement charnière de l’histoire de l’Arabie Saoudite. 

 

DUBAI - Les années 1970 sont la décennie, selon l’un des décideurs politiques majeurs de notre époque, qui a vu l’Arabie Saoudite devenir « maîtresse de ses propres ressources », propriétaire et opérateur de sa gigantesque industrie pétrolière, avec toutes les répercussions sur le développement économique du Royaume et la prospérité de ses citoyens. 

La décennie commença avec l’‘Arabian American Oil Co’, un consortium composé de quatre géants de l’industrie pétrolière américaine, obtenant la concession exclusive de la ressource saoudienne la plus précieuse. Elle se termina avec un accord pour créer Saudi Aramco, dont le gouvernement saoudien est propriétaire et opérateur, compagnie qui représente la force économique principale au Moyen-Orient et plus globalement au niveau du marché mondial de l’énergie.  

En 1980, la compagnie Aramco est mise sur la voie qui lui permettra, près de quatre décennies plus tard, de devenir la capitalisation boursière la plus importante au monde lors de son entrée en bourse au Tadawul, la bourse nationale saoudienne, l’année dernière. Le géant du pétrole réussit par là-même la plus grosse introduction en Bourse de l’histoire

Afin de mieux comprendre les évènements des années 1970, il est crucial de s’attarder sur le processus à travers lequel le Royaume a pris le contrôle d’Aramco, sans les bouleversements que beaucoup d’autres pays du Moyen-Orient ont connu lors de la nationalisation de leur industrie pétrolière à cette époque. 

Alors que des pays tels que la Libye, l’Irak et l’Iran avaient tout bonnement confisqué des actifs américains sans compensation aucune, menant à une instabilité aussi bien géopolitique que liée au marché de l’énergie, l’Arabie Saoudite sut négocier le rachat des parts de leurs propriétaires américains dans le cadre d’un processus progressif qui assura le maintien de bonnes relations entre les deux pays. 

Dans le cas du Royaume, le processus a été qualifié de ‘participation’ plutôt que de ‘nationalisation’. 

Les dates clés

  1. Mai 1933 : L’Arabie Saoudite signe un accord de concession pétrolière avec la compagnie californienne ‘Standard Oil Co.’ (SOCAL) et sa filiale CASOC. L’exploration pétrolière commence. 
  2. Le 3 mars 1938 : L’exploitation pétrolière commerciale débute à partir de Dammam No.7
  3. Le 31 janvier 1944 : CASOC est rebaptisée Aramco (‘The Arabian American Oil’).  
  4. 1988 : Ali Al-Naïmi, qui a gravi tous les échelons de la compagnie, de simple garçon de bureau à président, devient le premier PDG saoudien. Le nom de la compagnie devient Saudi Aramco. 
  5. Le 14 septembre 2019 : Les installations d’Aramco sont touchées par une attaque de drones qui provoque des incendies sur les sites de Abqaiq et Khurais, causant un arrêt temporaire à la production. Les Etats-Unis tout comme l’Arabie Saoudite pointent du doigt l’Iran comme responsable de l’attaque. 
  6. Le 11 décembre 2019 : L’action Aramco gagne 10% pour son entrée en bourse sur la place financière de Riyad, faisant d’Aramco la première capitalisation boursière au monde.

 

ALI AL-NAIMI, une étoile montante de la compagnie Aramco, qui en deviendra plus tard le premier président saoudien, a essentiellement résumé son époque dans son autobiographie Out of the Desert (Sorti du Désert) : ‘Le fait que le transfert ne comprenait pas la nationalisation des actifs du jour au lendemain comme cela a pu être fait dans d’autres pays producteurs de pétrole, est tout à l’honneur du pays, de sa capacité à produire un jugement éclairé et à négocier en toute bonne foi, de même qu’aux propriétaires pétroliers’.  

L’homme aux manettes des négociations était un jeune avocat qui avait été propulsé par le Roi Fayçal aux plus hautes responsabilités de l’appareil gouvernemental. Ahmad Zaki Yamani, auteur du livre Masters of our own commodity (Maîtres de nos propres ressources) était ministre du Pétrole en 1968 lorsqu’il déclara durant une conférence sur le pétrole à Beyrouth que l’objectif du Royaume était d’obtenir 50% d’Aramco de ses propriétaires américains. Les chiffres ont changé à travers les années, mais l’ambition est restée la même : prendre le contrôle d’Aramco. 

Extrait d’un article de Rashid Hasan à la une d’Arab News, le 12 décembre 2019.

« A huit heures du matin hier, Saudi Aramco était valorisée à $1,7 trillions. Une demi-heure plus tard, le géant pétrolier valait près de $1,9 Trillions, lors de son entrée en bourse au Tadawul, la bourse nationale saoudienne ». 

Comme rapporté par Ellen Wald, chroniqueuse à Arab News, dans son récit de l’histoire d’Aramco « Saudi Inc. » : ‘ Il s’agissait de faire ce qui était dans les meilleurs intérêts de l’Arabie Saoudite et il (Yamani) devait convaincre les Américains que ces intérêts étaient également les leurs’. 

A partir du début des années 1970, l’Arabie Saoudite avait un poids important dans le bilan énergétique mondial. Il y avait une explosion de la demande de pétrole, et les champs pétroliers américains n’étaient pas en mesure d’y répondre. On parlait, pour la première fois, de l’Arabie Saoudite en tant que “swing exporter » en raison de son potentiel de production et de ses réserves, plus importantes que les autres pays, ainsi que de sa capacité à répondre rapidement à toute augmentation de la demande mondiale. 

Lors d’une réunion à Vienne de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en 1972, les Américains proposèrent à Yamani de racheter 20% d’Aramco ; très loin des 50% qu’il avait initialement demandés. Mais les négociations aboutirent à un rachat de 25% d’Aramco par l’Arabie Saoudite, puis ultérieurement de 51%.  Les Américains concédèrent ainsi – en principe – le contrôle d’Aramco à l’Arabie Saoudite. 

 

Page extraite des archives de Arab News du 12 décembre 2019.

Durant une autre réunion de l’OPEP l’année suivante, le processus de rachat fut accéléré par des facteurs externes. La guerre de 1973 entre Israël et les pays arabes éclata juste avant l’arrivée des ministres du pétrole en Autriche. Les réunions furent conduites dans des conditions d’urgence. Comme le décrit l’historien spécialiste de l’énergie Daniel Yergin dans son livre The Prize (en français, Les Hommes du Pétrole), qui remporta le Prix Pulitzer : ‘L’ordre qui régit le pétrole durant les trois décennies de l’après-guerre a connu sa dernière mort’.
Les pays arabes, menés par le premier producteur de pétrole, l’Arabie Saoudite, ont dramatiquement augmenté les prix du pétrole jusqu’à atteindre le double des $5 par baril qui était le prix en vigueur.  

De manière plus significative, ces mêmes pays régulèrent la production et imposèrent un embargo aux pays, dont les Etats-Unis, qui fournissaient des armements à Israël. 

« Au début des années 1970, l’Arabie Saoudite était un poids lourd de l’équation énergétique mondiale ».  

Frank Kane

 

La tourmente ayant ébranlé l’économie mondiale et les marchés de l’énergie eut un impact décisif.  En 1976, le pouvoir n’était plus entre les mains des compagnies de pétrole indépendantes mais bien avec les producteurs, au premier rang desquels figurait l’Arabie Saoudite. 

Lors d’une réunion au Panama cette année, Yamani n’était pas d’humeur à accepter de nouveaux reports. Le Royaume exigeait l’engagement des Américains à vendre leurs parts restantes. Mi-mars, l’accord était scellé, à compter de 1980, et le nom de Saudi Aramco fut officialisé huit années plus tard. 

Le prix que le Royaume a payé pour racheter les parts ne fut jamais dévoilé mais les estimations à l’époque étaient aux alentours de deux milliards de dollars. En décembre dernier, l’entreprise cotée en bourse Aramco était valorisée sur Tadawul mille fois ce prix. 

Wald déclara à Arab News : ‘ La vraie raison du succès d’Aramco est qu’une fois qu’elle devint une compagnie saoudienne, des experts en pétrole en prirent le contrôle et non pas des bureaucrates. C’était un cas unique parmi les compagnies pétrolières nationales’. 

 

Frank Kane a couvert l’industrie du pétrole au Moyen-Orient durant les 15 dernières années, les trois dernières en tant que chroniqueur économique principal pour Arab News. 

 


Syrie: L'Unrwa lance un appel d'aide de 16 millions de dollars pour les réfugiés palestiniens victime du séisme

Samedi, un volontaire palestinien pousse un chariot de rations alimentaires devant un centre de distribution d'aide relevant de l'Office de secours et de travaux des Nations unies au camp d'Al-Shati dans la ville de Gaza (Photo d'archivesAFP).
Samedi, un volontaire palestinien pousse un chariot de rations alimentaires devant un centre de distribution d'aide relevant de l'Office de secours et de travaux des Nations unies au camp d'Al-Shati dans la ville de Gaza (Photo d'archivesAFP).
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  • On estime à près de 47 000 le nombre de réfugiés palestiniens touchés par le drame survenu en Syrie, et à plus de 2 300 le nombre de personnes déplacées
  • L’agence a fourni aux familles une aide financière, des kits d'hygiène et des couvertures

LONDRES : Les Nations unies ont lancé un appel à la solidarité envers les réfugiés palestiniens touchés par le récent tremblement de terre en Syrie. L'aide sollicitée devrait atteindre 16,2 millions de dollars (1 dollar = 0,93 euro).

Les responsables de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa) ont en effet lancé cet appel de fonds lors de la Conférence internationale des donateurs à Bruxelles, rapporte l'Agence de presse des Émirats arabes unis (Emirates News Agency).

Cette collecte de fonds, qui s'inscrit dans le cadre de l'appel d'urgence 2023 du bureau de l'Unrwa pour la Syrie et le Liban, est indispensable pour répondre aux besoins humanitaires et aux besoins de première nécessité des réfugiés après le tremblement de terre qui a secoué le nord de la Syrie en février dernier.

On estime à près de 47 000 le nombre de réfugiés palestiniens touchés par le drame survenu en Syrie, et à plus de 2 300 le nombre de personnes actuellement déplacées.

Dans ce contexte, l'agence a fourni aux familles une aide financière, des kits d'hygiène et des couvertures. Elle assure également un soutien psychosocial aux enfants et une assistance médicale en ligne aux personnes vulnérables.

Les écoles relevant de l'Unrwa ont également repris leurs activités en proposant des cours de rattrapage et des sessions psychosociales pour les enfants.

L'Unrwa s'est engagé à continuer à fournir l'aide essentielle aux réfugiés palestiniens à la suite du tremblement de terre. L'agence a toutefois fait savoir qu'elle ne pouvait pas poursuivre seule son action.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.


En Egypte, une équipe féminine de hockey sur gazon explose tous les records

Des joueuses égyptiennes de hockey sur gazon assistent à une séance d'entraînement dans la ville de Zagazig, dans le gouvernorat de Sharqiya, au nord-est du Caire, le 6 mars 2023.  (Photo de Khaled DESOUKI / AFP)
Des joueuses égyptiennes de hockey sur gazon assistent à une séance d'entraînement dans la ville de Zagazig, dans le gouvernorat de Sharqiya, au nord-est du Caire, le 6 mars 2023. (Photo de Khaled DESOUKI / AFP)
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  • En Egypte, «quand on parle hockey, on pense à Charqiya», à une centaine de kilomètres du Caire au coeur du delta du Nil, affirme fièrement l'attaquante de 24 ans
  • Forte de son sacre continental en 2019, l'équipe féminine du Charqiya Club attire désormais les regards

ZAGAZIG: Donia Shaarawy et son équipe dominent le championnat national de hockey sur gazon depuis Charqiya, un gouvernorat rural du nord de l'Egypte qui s'est pris de passion pour ce sport il y a des décennies. La jeune femme rêve désormais d'endosser le maillot d'un club européen.

En Egypte, "quand on parle hockey, on pense à Charqiya", à une centaine de kilomètres du Caire au coeur du delta du Nil, affirme fièrement à l'AFP l'attaquante de 24 ans.

Le Charqiya Club de hockey a été créé dans les années 1960, d'abord réservé aux hommes. Mais pour Ibrahim al-Bagouri, membre du conseil d'administration du club, le jeu est bien plus vieux et date de l'époque pharaonique: ce sport était selon lui "joué à Tell Basta et Tell al-Amarna et connu des anciens Égyptiens sous le nom d'al-hawksha".

Plus de 7.000 ans plus tard, en 1995, le Charqiya Club créait son équipe féminine de hockey. En 28 ans d'existence, elle a remporté 25 fois le championnat national et même décroché en 2019 le titre de championne de la Coupe d'Afrique des clubs.

"Mais aucune fille n'est passée professionnelle jusqu'ici", regrette Donia Shaarawy, tenue de sport assortie à un foulard noir, à la sortie de son entraînement.

Elle qui admire l'excellence des clubs belges et italiens espère devenir "la première Egyptienne" à rejoindre un club européen.

Le hockey ou la famille?

Forte de son sacre continental en 2019, l'équipe féminine du Charqiya Club attire désormais les regards.

Son entraîneur, Moustafa Khalil, dit à l'AFP avoir reçu des offres de clubs français et italiens pour quatre de ses joueuses.

Mais l'une d'elles a refusé d'arrêter ses études et les trois autres, poursuit-il, ont rejeté ces offres parce que, mariées avec enfants, elles ont dit ne pas pouvoir s'installer à l'étranger.

La société égyptienne, conservatrice et patriarcale, se dresse entre les sportives et leurs rêves d'Europe, confie l'entraîneur, qui concède qu'il est encore tabou de "laisser les femmes voyager seules".

Soumaya Abdel Aziz, directrice de la division féminine du club de Charqiya, veut croire que les mentalités ont changé dans un pays où les femmes se disent toujours lourdement discriminées.

"De nos jours, ce n'est plus un problème pour une femme de voyager seule ou de dormir en dehors du domicile familial", veut-elle croire.

Donia Shaarawy, elle aussi, se dit prête: "Si on me demande de choisir entre le mariage et le hockey, ça sera le hockey."

Nahla Ahmed, 28 ans et capitaine de l'équipe, "mère d'une petite fille et mariée à un joueur de hockey", estime de son côté que le mariage et la maternité n'empêchent pas de mener une carrière sportive.

"Je veux être la meilleure d'Afrique", ambitionne même celle qui a déjà été sacrée meilleure joueuse de première ligue et qui manie la crosse depuis l'enfance.

«Ce sport coûte cher»

Pendant l'entraînement sur pelouse synthétique, les cris des joueuses se mêlent aux entrechoquements des crosses en bois qu'elles utilisent pour se passer la balle vers les buts adverses.

Devant la cage, Nada Mostafa, étudiante, pare les attaques si efficacement qu'elle a rejoint la sélection nationale.

"J'ai choisi d'être gardienne car tu as l'impression d'être le roi du monde, on dit même que la gardienne est la moitié de l'équipe", dit-elle à l'AFP, casque de protection sous le bras.

L'équipement de gardien - un plastron, des jambières rembourrés de mousse et un casque renforcé d'une grille en métal - coûte 65.000 livres égyptiennes, soit un peu moins de 2.000 euros, auxquels s'ajoutent 110 euros pour la crosse, explique leur coach, Moustafa Khalil.

"Ce sport coûte cher et le manque de couverture médiatique retarde l'arrivée de sponsors", se lamente celui qui n'a obtenu des fonds qu'une seule fois.

C'était en 2019, une entreprise égyptienne avait financé son équipe pendant la Coupe d'Afrique des clubs champions, qui se tenait cette année-là en Egypte. Malgré leur sacre, le sponsor s'est retiré aussitôt après.

"Nous dépensons entre 150.000 et 180.000 euros par an", affirme à l'AFP Hamdi Marzouk, le patron du Charqiya Club, qui, souligne-t-il, a remporté "plus de 150 championnats" toutes catégories confondues.

Normal à Charqiya. Car ici, souligne Ibrahim al-Bagouri, "tout le monde possède une crosse de hockey, c'est comme le football pour les Brésiliens".


En Irak, la jeunesse branchée accro aux fripes

Dans un pays où près d'un tiers des 42 millions d'Irakiens sont pauvres, les allées tortueuses du grand marché aux fripes de Bagdad ne désemplissent pas le vendredi. (AFP).
Dans un pays où près d'un tiers des 42 millions d'Irakiens sont pauvres, les allées tortueuses du grand marché aux fripes de Bagdad ne désemplissent pas le vendredi. (AFP).
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  • Dans un pays qui renoue avec une certaine normalité après des décennies de conflits et s'ouvre chaque jour un peu plus, les fripes permettent aux amateurs de cultiver leur différence à petits prix
  • "Nous ne voulons pas une surproduction de vêtements. Il faut réutiliser"

AL HUSSAINIYAH: Dans une palmeraie au nord de Bagdad, des mannequins amateurs défilent, l'air blasé. Ici, pas de haute couture, mais des tenues vintage semblant sortir de films des années 1970. Pour ces jeunes Irakiens, la fripe c'est chic... et c'est un moyen d'éveiller à la protection de l'environnement.

Car le défilé est d'abord organisé pour sensibiliser aux effets du changement climatique subis de plein fouet par l'Irak. Il illustre aussi l'engouement récent pour les vêtements de seconde main chez les jeunes.

"Nous ne voulons pas une surproduction de vêtements. Il faut réutiliser", plaide Mohamed Qassem, 25 ans, coiffeur et organisateur du défilé dans les palmeraies du village d'Al-Hussainiya.

Exhibant une doudoune vert fluo, un long manteau noir en cuir usé, d'amples blazers croisés, à carreaux ou à rayures, les mannequins se succèdent sous les yeux médusés de bergers.

Dans un pays qui renoue avec une certaine normalité après des décennies de conflits et s'ouvre chaque jour un peu plus, les fripes permettent aux amateurs de cultiver leur différence à petits prix. Loin des enseignes de mode internationale et de "fast-fashion" qui font timidement leur apparition à Bagdad.

Parmi les tenues arborées au défilé, le vert domine comme un clin d'oeil, car l'initiative entend encourager le reboisement pour contrer la désertification galopante en mettant en valeur la palmeraie, vulnérable au changement climatique.

"L'objectif (est non seulement de) se concentrer sur les vêtements, mais aussi (sur) les vergers délaissés, les palmiers qui disparaissent chaque jour. Tout cela amplifie la pollution", souligne Mohamed Qassem.

« Fripes de luxe »

Veste rose, moustache à la Clark Gable et cheveux gominés, le jeune homme égrène les consignes, aidant un mannequin à rectifier sa démarche, suggérant des pauses à un autre.

Les vêtements présentés ne seront pas mis en vente. Mohamed Qassem a uniquement organisé le défilé pour la beauté du geste et pour éveiller à la protection de l'environnement.

"Les fripes, ce sont des vêtements d'excellente qualité. Quand tu les portes, tu as l'impression de revêtir des vêtements de luxe, c'est différent de ce que tu trouves dans le commerce", explique Ahmed Taher, styliste de 22 ans qui a fourni les ensembles.

Etudiant en commerce, il compte 47.000 abonnés sur son compte Instagram "Modern Outfit". Il y propose aux hipsters de Bagdad des vêtements d'occasion, parfois de grandes marques. Il vend des ensembles pantalon/chemise ou des tee-shirts à 20 dollars.

"On veut porter des vêtements uniques et ne pas tous ressembler les uns aux autres", ajoute M. Taher, vêtu d'une veste grise classique qui lui donne un air d'Al Pacino dans "Le Parrain".

Mannequin d'un jour, Safaa Haidar appelle à "planter un arbre chez soi". L'étudiante de 22 ans "s'intéresse à la mode en général" et confirme son attrait pour les fripes, assurant choisir ses vêtements "en fonction de (sa) personnalité".

Mais la sape d'occasion est aussi un choix économique.

Dans un pays où près d'un tiers des 42 millions d'Irakiens sont pauvres, les allées tortueuses du grand marché aux fripes de Bagdad ne désemplissent pas le vendredi.

Devant les étals croulant sous les chemises, chaussures et jeans, des hommes essayent des vêtements. Ici, une chemise coûte parfois à peine deux dollars. D'autres pièces peuvent se vendre jusqu'à 200 dollars.

« Durer toute une vie »

Mohamed Ali, étudiant en ingénierie de 20 ans, est venu acheter des chaussures. A l'époque de l'embargo occidental contre l'Irak dans les années 1990, il raconte comment ses parents "portaient le même pantalon à l'endroit et à l'envers, jusqu'à l'usure, car ils n'avaient pas les moyens d'acheter de vêtements".

Des décennies plus tard, la démarche a changé. "La plupart de mes amis achètent des fripes", confirme-t-il. "Ce n'est pas qu'on n'a pas les moyens d'acheter neuf. Mais on trouve des pièces de meilleure qualité et uniques."

Hassan Refaat propose des vêtements achetés puis abandonnés par des consommateurs en Europe et qui retrouvent une seconde vie dans les penderies irakiennes. Sa marchandise est aussi importée du Kurdistan, région autonome du nord de l'Irak à la frontière avec un géant de la production textile, la Turquie.

"Les fripes sont de meilleure qualité que les vêtements neufs disponibles sur le marché. Bien souvent, il s'agit de pièces de marques", résume M. Refaat, 22 ans. "Et les marques durent toute une vie".