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Le siège de La Mecque

La Grande Mosquée, lieu le plus sacré de l’Islam, fut prise d’assaut par un groupe armé de 260 fondamentalistes islamistes
La Grande Mosquée, lieu le plus sacré de l’Islam, fut prise d’assaut par un groupe armé de 260 fondamentalistes islamistes
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Publié le Mardi 08 décembre 2020

Le siège de La Mecque

  • Le 20 novembre 1979, premier jour de l’année islamique 1400, des dizaines de milliers de fidèles convergent vers la Grande Mosquée de La Mecque
  • Quelques instants après la fin du Fajr, la première prière du jour, la joie laisse place à l’horreur lorsque des coups de feu éclatent dans la cour

L’attaque de Juhayman Al-Otaibi sur la Grande Mosquée de La Mecque fut longtemps considérée comme un sujet tabou. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard que la lumière sur ces évènements fut faite.

Résumé

Le 20 novembre 1979, premier jour de l’année islamique 1400, des dizaines de milliers de fidèles convergent vers la Grande Mosquée de La Mecque. Pour eux, l’occasion d’une vie, être dans le lieu le plus saint de l’Islam à l’aube d’un nouveau siècle, se présente.

Mais quelques instants après la fin du Fajr, la première prière du jour, la joie laisse place à l’horreur lorsque des coups de feu éclatent dans la cour. La Grande Mosquée, lieu le plus saint de l’Islam, est prise d’assaut par un groupe armé de 260 fondamentalistes islamistes. C’est le début d’un siège sanglant qui durera deux semaines et qui, dans le sillage de la Révolution iranienne, portera un sérieux revers aux efforts de modernisation du Royaume. La société saoudienne, aujourd’hui encore, s’en remet à peine.

DJEDDAH: Entourée d’un nuage de secret et rarement discutée, l’attaque de 1979 sur la Grande Mosquée de la Mecque a eu de sévères répercussions sur l’Arabie Saoudite. Une grande partie des hommes de ma génération ont grandi dans l’ignorance du prix fort que nous payions suite à l’attaque des extrémistes.

Les dates clés :

  1. Le 20 novembre 1979

Un groupe de fanatiques sous les ordres de Juhayman Al-Otaibi, un ancien caporal de la Garde nationale saoudienne, s’emparent de la Grande Mosquée de La Mecque.

  1. Le 23 novembre

Pour la première fois depuis des siècles, aucun sermon n’est prêché à partir de la Grande Mosquée. Les ulémas lancent une fatwa autorisant l’usage de la force sur le sol sacré contre les fanatiques s’ils refusent l’opportunité « de se rendre et de déposer les armes ».

  1. Le 24 novembre

Après des heures de combats sanglants, les troupes saoudiennes reprennent la galerie Safa-Marwa, forçant Al-Otaibi et les insurgés encore en vie à se réfugier dans un dédale de chambres communicantes sous la mosquée.

  1. Le 3 décembre

Avant l’assaut final, les troupes lancent des gaz lacrymogènes dans les dédales souterrains à travers des trous réalisés dans le sol de la cour. Il faut encore 18 heures de combats sanglants avant que le dernier bastion de résistance ne soit pris, 15 jours après le début des combats.

  1. Le 5 décembre

Le Roi Khaled s’adresse à la nation, remerciant Allah pour son aide pour stopper net « un acte de sacrilège séditieux ».

  1. Le 7 décembre

A l’appel à la prière de midi, des milliers de fidèles se dirigent vers la Grande Mosquée pour la première fois depuis trois semaines. Nombreux d’entre eux ont campé pendant la nuit pour pouvoir vivre une cérémonie historique retransmise en direction des autres nations islamiques.

  1. Le 9 juin 1980

Le ministre de l’Intérieur annonce que 63 extrémistes capturés ont été exécutés dans huit villes différentes. Al-Otaibi fait partie des 15 prisonniers exécutés à La Mecque.

Fêtant l’arrivée de la nouvelle année avec les prières du matin, les fidèles, effectuant le pèlerinage d’une vie, furent choqués d’entendre des coups de feu suivis d’une demande de prêter allégeance au prétendu Mahdī. Cette figure est décrite comme le messie dans plusieurs passages des Hadiths (les paroles du Prophète) bien que les érudits islamiques soient divisés sur leur interprétation.

Ce n’est qu’à l’âge de 16 ans, au cours de ma première année de collège en 2002 que j’entendis parler du siège pour la première fois. Lors du 23ème anniversaire des attaques, j’ouvrais le journal du vendredi de Okaz, le quotidien saoudien, et tombais sur une image en noir et blanc d’une mosquée avec de la fumée s’échappant de son minaret et la photo d’’un homme au regard perçant et à l’apparence négligée. C’est alors que j’appris le nom du fanatique derrière les odieuses attaques : Juhayman Al-Otaibi. Curieux de nature, mon intérêt commença à croître.


Durant des années, peu d’informations sur l’attaque de la Grande Mosquée circulaient en Arabie Saoudite. Avec l’apparition d’Internet, les moteurs de recherche me procurèrent les moyens d’en savoir plus. Mais cela n’était toujours pas suffisant pour assouvir ma curiosité. Ce n’est qu’en septembre 2019 qu’un entretien très attendu avec le Prince héritier Mohammad Ben Salman dans l’émission « 60 minutes » de CBS allait faire la lumière sur ces attaques. Interviewé par Norah O’Donnell, le prince héritier expliqua comment les deux événements de 1979, la Révolution Iranienne et l’attaque de la Grande Mosquée, avaient mis un frein au développement de l’Arabie Saoudite. « Après 1979, il est vrai que nous étions victimes, surtout ma génération qui a souffert énormément », déclara le Prince. « Nous vivions normalement comme les autres pays du Golfe. Les femmes conduisaient, il y avait des cinémas en Arabie Saoudite ».

« Les télévisions diffusèrent des images des 170 rebelles capturés ; sales et dans un état déplorable, entassés sur le sol d’une prison à La Mecque.

Extrait d’un témoignage paru à la une de Arab News du 5 Décembre 1979

 Je savais que cet entretien encouragerait d’autres personnes à se replonger dans les évènements de 1979. En 2019, lors du 40ème anniversaire de l’attaque, je travaillais pour Arab News et je fus en mesure, en tant que journaliste principal, de mener une enquête approfondie qui allait dans les détails du siège. Le reportage était une manière de trouver des réponses à toutes les questions qui me préoccupaient encore.  

Comme il fut rapporté par notre équipe, Al-Otaibi faisait partie de 260 fanatiques religieux lourdement armés qui s’étaient emparés de la Grande Mosquée et avaient déclenché un affrontement avec les forces saoudiennes qui allait durer plus de deux semaines. Bien préparés et impitoyables, les extrémistes lancèrent l’assaut en fermant les portes de la mosquée, retenant à peu près 100 000 fidèles durant plus de quatre heures. A l’aide des systèmes de diffusion normalement utilisés pour les prières, ils informèrent les fidèles pris au piège que le prétendu Mahdi, qui n’était autre que le beau-frère d’Al-Otaibi, Mohammed Al-Qahtani, était ici pour libérer le monde du mal et remettre l’Islam sur le droit chemin. Le Royaume, prospère et se développant en nation moderne, signifiait pour Al-Otaibi, Al-Qahtani et les autres insurgés qu’ils étaient en présence du mal.  

Ainsi débuta l’une des batailles les plus sanglantes que connut la Grande Mosquée de La Mecque depuis des siècles. Les évènements inconcevables qui s’y déroulèrent semblent encore difficiles à croire aujourd’hui, comme en ont témoigné les personnes interrogées lors de notre enquête, notamment le Prince Turki Al-Fayçal, Chef des renseignements saoudiens à cette époque, un pilote des forces aériennes royales saoudiennes qui survola la mosquée, et le petit-fils d’un otage qui parvint à s’échapper avec beaucoup d’autres à travers une ouverture dans le vitrage en forme de losange de la galerie Safa-Marwa.

Page extraite des archives de Arab News du 5 Décembre 1979.

« Même si je n’étais pas encore née pour le vivre, l’assaut de la Grande Mosquée de la Mecque a bouleversé la société et les mentalités saoudiennes, avec des répercussions durables s’étendant sur des générations »

Rawan Radwan

Durant les premiers jours du siège, les forces saoudiennes parvinrent à s’introduire dans la mosquée et une bataille s’ensuivit. Les évènements furent dignes de scènes d’un film d’action, les forces saoudiennes repoussant les extrémistes religieux dans leurs derniers retranchements. Al-Otaibi et ses hommes se barricadèrent dans les pièces souterraines, rendant la tâche des forces saoudiennes plus ardue.

Durant la bataille, Al-Qahtani fut tué, ainsi que plus de 100 fanatiques. Les phases finales des assauts virent les forces saoudiennes lancer des gaz lacrymogènes avant de pénétrer dans les dédales souterrains, où fut capturé Al-Otaibi et le restant des fanatiques encore en vie, qui comptaient des femmes et des enfants.

Lorsque le siège prit fin, les murs de la mosquée étaient criblés de balles et plus de 25 fidèles innocents gisaient au sol. Plus de 450 soldats furent blessés et 127 perdirent la vie. Parmi les fanatiques d’Al-Otaibi, 117 furent tués et des centaines arrêtées. 63 de ces derniers furent exécutés par la suite. En janvier 1980, Al-Otaibi fut exécuté à La Mecque ainsi que 14 de ses hommes. 

Dans un article d’Arab News daté du 5 décembre 1979, « Les Leçons de La Mecque », l’auteur concluait : « On pourrait dire sans risquer de se tromper que leur choix de la Kaaba comme cible de l’attaque est une preuve irréfutable du mal-fondé de leur action. On peut les décrire comme une bande de fanatiques religieux, endoctrinés, à qui l’on a fait croire que la société s’écartait des préceptes de l’Islam et que leur prétendu Mahdi « ramènerait la justice dans ce monde ».

Les conséquences de l’attaque furent terribles. Même si je n’étais pas encore née pour le vivre, l’assaut de la Grande Mosquée de La Mecque a bouleversé la société et les mentalités saoudiennes, avec des répercussions pour beaucoup d’hommes et de femmes de ma génération. A la suite de l’attaque, la police religieuse prit un poids considérable et la modernisation progressive du Royaume fut interrompue. Les programmes scolaires, la vie de tous les jours et les normes sociales prirent un virage drastique. 

Malgré le rejet de l’Arabie Saoudite – conservatrice sur le plan religieux mais pacifique – de l’appel sanglant d’Al-Otaibi pour « un retour de la vraie religion de l’Islam », beaucoup se sentirent contraints de se conformer aux changements qui prenaient place au sein de leurs communautés. La recherche de réponses et de sens se poursuivit. Ce n’est que lorsque le Prince héritier Mohammed Bin Salman prit l’engagement de diriger le pays vers « un Islam modéré » en 2017 et se reféra à l’Arabie Saoudite d’avant 1979 durant son entretien sur CBS que les choses commencèrent à prendre du sens.

 

Rawan Radwan, correspondante régionale pour Arab News, basée à Djeddah, porte un intérêt profond pour l’histoire de l’Arabie Saoudite. Durant plus de 15 ans, elle a enquêté sur le siège de La Mecque et pour le 40ème anniversaire de cet évènement en 2019, elle fut la correspondante principale menant une équipe de journalistes qui reconstitua l’évènement dans les moindres détails.


Liban: il n'y aura plus d'armes «hors du contrôle de l'Etat», assurent les présidents libanais et palestinien

Cette photo diffusée par la présidence libanaise montre le président libanais Joseph Aoun (à droite) accueillant son homologue palestinien Mahmoud Abbas au palais présidentiel de Baabda, à l'est de la capitale Beyrouth, le 21 mai 2025. Mahmoud Abbas est arrivé à Beyrouth, où il doit discuter du désarmement des camps de réfugiés palestiniens, alors que le Liban cherche à imposer son autorité sur l'ensemble de son territoire. (AFP)
Cette photo diffusée par la présidence libanaise montre le président libanais Joseph Aoun (à droite) accueillant son homologue palestinien Mahmoud Abbas au palais présidentiel de Baabda, à l'est de la capitale Beyrouth, le 21 mai 2025. Mahmoud Abbas est arrivé à Beyrouth, où il doit discuter du désarmement des camps de réfugiés palestiniens, alors que le Liban cherche à imposer son autorité sur l'ensemble de son territoire. (AFP)
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  • Les présidents libanais et palestinien ont assuré lors d'un entretien mercredi qu'il n'y aurait plus d'armes échappant au contrôle de l'Etat au Liban
  • Joseph Aoun et Mahmoud Abbas "proclament leur conviction que l'ère des armes échappant à l'autorité de l'Etat libanais est révolue"

BEYROUTH: Les présidents libanais et palestinien ont assuré lors d'un entretien mercredi qu'il n'y aurait plus d'armes échappant au contrôle de l'Etat au Liban, où le pouvoir n'étend pas son autorité sur les camps de réfugiés palestiniens.

Les présidents Joseph Aoun et Mahmoud Abbas "proclament leur conviction que l'ère des armes échappant à l'autorité de l'Etat libanais est révolue", ont-ils annoncé dans un communiqué conjoint. La visite de Mahmoud Abbas est centrée sur la question du désarmement des camps palestiniens.


Trump au Moyen-Orient: le grand virage de la politique étrangère américaine

Ovations et scènes de liesse sont rares dans les forums d’investissement. Pourtant, le discours prononcé par le président Donald Trump lors du Forum d’investissement américano-saoudien à Riyad la semaine dernière sortait de l’ordinaire. (AFP)
Ovations et scènes de liesse sont rares dans les forums d’investissement. Pourtant, le discours prononcé par le président Donald Trump lors du Forum d’investissement américano-saoudien à Riyad la semaine dernière sortait de l’ordinaire. (AFP)
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  •  «Après avoir discuté de la situation en Syrie avec le prince héritier, je vais ordonner la levée des sanctions contre la Syrie afin de lui donner une chance de redevenir grande», déclare Trump
  • Ses derniers mots ont été presque couverts par une salve d’applaudissements, suivie d’une ovation, initiée par le prince héritier Mohammed ben Salmane

LONDRES: Ovations et scènes de liesse sont rares dans les forums d’investissement. Pourtant, le discours prononcé par le président Donald Trump lors du Forum d’investissement américano-saoudien à Riyad la semaine dernière sortait de l’ordinaire.

En ouverture d’une tournée de quatre jours dans la région, M. Trump a multiplié les déclarations géopolitiques inattendues.

«Après avoir discuté de la situation en Syrie avec le prince héritier (saoudien), je vais ordonner la levée des sanctions contre la Syrie afin de lui donner une chance de redevenir grande», a-t-il annoncé.

Ses derniers mots ont été presque couverts par une salve d’applaudissements, suivie d’une ovation, initiée par le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Bien que cette annonce ait surpris nombre d’observateurs – y compris des analystes expérimentés et certains membres proches de M. Trump – elle n’était pas totalement inattendue.

En décembre dernier, pour la première fois en dix ans, des responsables américains s’étaient rendus à Damas, où ils avaient rencontré Ahmad el-Chareh, chef de Hay’at Tahrir al-Cham, qui, deux semaines plus tôt, avait conduit au renversement spectaculaire du régime de Bachar el-Assad après quatorze années de guerre civile.

À l’issue de cette rencontre, la délégation américaine avait jugé El-Chareh «pragmatique». Peu après, les États-Unis avaient levé la prime de 10 millions de dollars placée depuis longtemps sur sa tête. Un mois plus tard, El-Chareh était nommé président de la Syrie.

Le lendemain du forum d’investissement à Riyad, M. Trump s’est entretenu en tête-à-tête avec le président syrien. De cette rencontre est née ce qui pourrait devenir l’une des photographies les plus marquantes de l’histoire récente de la région: le prince héritier saoudien, entouré de M. Trump et de M. El-Chareh, debout devant les drapeaux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la Syrie.

«Je n'ai jamais cru qu'il fallait avoir des ennemis permanents», a déclaré le président, et «je suis prêt à mettre fin aux conflits passés et à forger de nouveaux partenariats pour un monde meilleur et plus stable, même si nos divergences peuvent être très profondes, ce qui est manifestement le cas pour l'Iran».

Il a salué les dirigeants locaux capables de «transcender les conflits anciens et les divisions usées du passé», tout en critiquant «les interventionnistes occidentaux [...] qui prétendent vous enseigner comment vivre ou gouverner vos propres affaires».

Dans un message qui a trouvé un écho fort à Kaboul, Bagdad, voire Téhéran, il a poursuivi:
«En fin de compte, les soi-disant bâtisseurs de nations ont détruit bien plus de nations qu’ils n’en ont construites – et les interventionnistes sont intervenus dans des sociétés complexes qu’ils ne comprenaient même pas eux-mêmes.»

Réagissant à ces déclarations, Sir John Jenkins – diplomate chevronné, ancien ambassadeur britannique en Arabie saoudite, en Irak et en Syrie, et ex-consul général à Jérusalem – a confié à Arab News:

«Je pense que cela pourrait bien être un véritable tournant.»

Selon lui, «la démographie post-printemps arabe – une jeunesse en quête de meilleure gouvernance et de progrès, sans passer par l’idéologie ou la révolution – coïncide avec un moment particulier réunissant Mohammed ben Salmane, Trump et la Syrie».

Le discours de Trump prononcé la semaine dernière à Riyad, a-t-il ajouté, «était remarquable, intellectuellement cohérent – et il le pense réellement».

Il poursuit : «Si un bloc cohérent d’États sunnites – l’Arabie saoudite, les pays du CCG, la Jordanie, la Syrie et l’Égypte – parvient à œuvrer pour la prospérité et la stabilité plutôt que l’instabilité, alors on pourrait disposer d’un levier régional capable de contenir l’Iran comme cela n’a plus été le cas depuis des décennies. Cela offrirait également aux États-Unis la marge nécessaire pour redéfinir leur stratégie.»

Mais de nombreux obstacles subsistent.

«L’Iran, qui tente déjà d’affaiblir la Syrie, continuera à jouer ses cartes», a averti Sir Jenkins.
«Et puis il y a Israël: veut-il vraiment des voisins sunnites forts et stables? Il le devrait. Mais je ne suis pas certain que Bezalel Smotrich – le ministre israélien des Finances, qui a récemment juré que Gaza serait entièrement détruite – ou Itamar Ben-Gvir – le ministre de la Sécurité nationale qui pousse pour une occupation israélienne de Gaza – partagent ce point de vue. C’est un vrai dilemme pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou.»

«Mais si l'on associe tout cela à un éventuel accord entre les États-Unis et l'Iran, qui donnera à l'Iran des incitations pour ne pas voir les sanctions s'effondrer, alors il y a quelque chose là.»

Pour El-Chareh, même il y a six mois, le revirement spectaculaire de sa situation personnelle aurait semblé fantastique et, en tant que tel, il est symptomatique des bouleversements tectoniques présagés par la visite de Trump dans la région.

Il y a presque exactement 12 ans, le 16 mai 2013, le chef du Front Nosra, affilié à Al-Qaïda, jugé responsable de «multiples attentats-suicides à travers la Syrie» visant le régime Assad, avait été désigné comme terroriste par le Département d'État américain.

Aujourd'hui, bénéficiaire très public des louanges et du soutien de Trump et du prince héritier saoudien, la métamorphose d'El-Chareh en symbole d'espoir pour le peuple syrien est emblématique de la nouvelle approche spectaculaire de l'Amérique dans la région.

À Doha, le président a saisi l'occasion d'une visite à une base militaire américaine pour se montrer aimable avec l'Iran, un pays dont les négociateurs se sont discrètement réunis à Oman avec Steve Witkoff, l'envoyé spécial de Trump, pour discuter d'un accord sur le nucléaire.

«Je veux qu'ils réussissent», a déclaré M. Trump, qui, en 2018, a retiré unilatéralement les États-Unis de l'accord initial, élaboré par le président Barack Obama et ses alliés européens, et a réimposé des sanctions économiques. Aujourd'hui, a-t-il déclaré à Doha la semaine dernière, «je veux qu'ils finissent par devenir un grand pays».

L'Iran, a-t-il ajouté, «ne peut pas avoir d'arme nucléaire». Mais, dans un clin d'œil à Israël, qui aurait non seulement demandé l'autorisation aux États-Unis d'attaquer les installations d'enrichissement iraniennes, mais qui aurait même demandé à l'Amérique d'y participer, il a ajouté: «Nous n'allons pas faire de poussière nucléaire en Iran. Je pense que nous sommes sur le point de conclure un accord sans avoir à le faire.»

En réalité, l'ensemble du voyage de Trump semble avoir été conçu comme une rebuffade à l'égard d'Israël, qui ne figurait pas sur l'itinéraire.

Une semaine avant le voyage, M. Trump avait annoncé un accord de cessez-le-feu unilatéral avec les Houthis au Yémen, qui s'étaient rangés du côté du Hamas après la guerre de représailles menée par Israël à Gaza en octobre 2023.

Dans le cadre de cet accord, négocié par Oman et auquel Israël n'a pas participé, les États-Unis ont déclaré qu'ils cesseraient leurs frappes au Yémen en échange de l'acceptation par les Houthis de cesser de cibler les navires dans la mer Rouge.

Le 12 mai, la veille de l'arrivée de M. Trump en Arabie saoudite, le Hamas a libéré Edan Alexander, le dernier citoyen américain encore en vie retenu en otage à Gaza, dans le cadre d'un accord conclu à l'issue de pourparlers directs sans implication d'Israël.

Dans un message publié sur Truth Social, M. Trump a salué «une mesure prise de bonne foi à l'égard des États-Unis et les efforts des médiateurs – le Qatar et l'Égypte – pour mettre un terme à cette guerre très brutale».

Selon Ahron Bregman, ancien soldat israélien et maître de conférences à l’Institut d’études moyen-orientales du King’s College de Londres, Donald Trump a «jeté Netanyahou – et, en réalité, Israël – sous le bus».

«Il a totalement pris Netanyahou de court avec une série d’initiatives diplomatiques au Moyen-Orient qui, du point de vue israélien, sont non seulement préjudiciables, mais véritablement humiliantes», a-t-il déclaré à Arab News.

«Par le passé, lorsqu’on voulait accéder à la Maison Blanche, le chemin passait souvent par Israël, qui pouvait faciliter l’ouverture des portes à Washington. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Netanyahou, blessé et humilié par Trump, semble avoir perdu sa touche.»

«Trump méprise les perdants, et il voit probablement en Netanyahou un perdant – au vu du chaos à Gaza et de son incapacité à atteindre les objectifs déclarés d’Israël.»

Pour M. Bregman, ce changement radical de dynamique au Moyen-Orient s’explique en grande partie par l’approche résolument transactionnelle de la politique que privilégie Donald Trump.

«Trump considère les relations internationales et la diplomatie sous l'angle financier, comme des entreprises commerciales. Pour Trump, l'argent parle et l'argent ne se trouve pas en Israël, qui reçoit 3 milliards de dollars par an des États-Unis, mais dans les États du Golfe.»

«Trump prend au sérieux l'idée de l'Amérique d'abord, et Israël ne sert pas cet objectif; ce sont les États du Golfe qui s'en chargent. Pour l'instant, du moins, le centre de gravité s'est déplacé vers les États du Golfe, et le statut d'Israël au Moyen-Orient s'est considérablement affaibli.»

Pour Ibrahim al-Marachi, professeur associé à la California State University, San Marcos, les événements de la semaine dernière contrastent fortement avec ceux de la première présidence de Trump.

«Au cours de la première administration Trump, la Troisième Guerre mondiale a failli éclater, avec les porte-avions de ma ville natale de San Diego déployés en permanence dans le Golfe pour dissuader l'Iran, l'attaque (des Houthis) contre Saudi Aramco et l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad au début de l'année 2020», a-t-il déclaré à Arab News.

«Cinq ans plus tard, l'administration Trump semble répéter la doctrine réaliste Nixon-Kissinger: L'Amérique n'a pas d'amis ou d'ennemis permanents, seulement des intérêts. À cet égard, son administration pourrait forger des relations avec l'Iran comme Nixon l'a fait avec la Chine.»

Kelly Petillo, responsable de programme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord au Conseil européen des relations étrangères, considère lui aussi les événements de la semaine dernière comme le début d'une «nouvelle phase des relations entre les États-Unis et le Golfe».

Parmi les développements remarquables, il y a «la mise à l'écart relative d'Israël et le fait qu'Israël n'entretienne pas la relation privilégiée avec Trump qu'il pensait avoir», a-t-elle déclaré à Arab News. «L'agenda des États-Unis est désormais plus large que le soutien inconditionnel à Israël, et l'alignement avec les partenaires du CCG est également essentiel.»

«L'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis sont clairement devenus d'une importance stratégique pour les États-Unis, avec de nouveaux accords à l'horizon et la promesse d'étendre ces relations. L'annonce de liens commerciaux plus étroits s'est également accompagnée de déclarations politiques qui, dans l'ensemble, ont représenté des développements positifs pour la région.

En fin de compte, a déclaré Caroline Rose, directrice au New Lines Institute, «la visite de Trump au CCG a mis en évidence deux de ses priorités en matière de politique étrangère au Moyen-Orient».

«Premièrement, il a cherché à obtenir une série d'accords de coopération transactionnels et bilatéraux dans des secteurs tels que la défense, l'investissement et le commerce», a-t-elle déclaré à Arab News.

«Le second objectif était d'utiliser le voyage comme un mécanisme susceptible de modifier les conditions des négociations diplomatiques en cours directement avec l'Iran, entre le Hamas et Israël, et même entre l'Ukraine et la Russie.»

Ce n'est évidemment pas un hasard si Donald Trump a choisi le Moyen-Orient comme destination de son premier voyage officiel à l'étranger depuis le début de sa seconde présidence.

«L'administration Trump a cherché à courtiser étroitement les États du Golfe pour signaler à d'autres partenaires de la région, comme Israël, ainsi qu'à l'UE, qu'elle peut développer des partenariats alternatifs pour obtenir ce qu'elle veut dans les négociations de paix.»

Bien qu'une stratégie visant à faire avancer des négociations de paix spécifiques ait été «notablement absente lors de son voyage», il était clair que «ce voyage était conçu pour jeter les bases d'une dynamique potentielle et pour changer certaines dynamiques de pouvoir avec les partenaires traditionnels des États-Unis à l'étranger, en semant les graines de la bonne volonté qui pourraient modifier les négociations en faveur de l'administration Trump».


Emirats arabes unis: accord avec Israël sur l'envoi d'aide humanitaire à Gaza 

Mis sous pression à l'étranger pour le blocus qui affame les Palestiniens de Gaza, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré lundi que Israël devait empêcher une famine à Gaza "pour des raisons diplomatiques", après l'annonce d'une reprise limitée de l'aide humanitaire à destination du petit territoire palestinien. (AFP)
Mis sous pression à l'étranger pour le blocus qui affame les Palestiniens de Gaza, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré lundi que Israël devait empêcher une famine à Gaza "pour des raisons diplomatiques", après l'annonce d'une reprise limitée de l'aide humanitaire à destination du petit territoire palestinien. (AFP)
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  • Plus de deux mois après le blocus imposé par Israël à Gaza depuis le 2 mars, les pénuries de nourriture et de médicaments frappent durement la bande de Gaza
  • Le territoire côtier est confronté à un "risque critique de famine", selon le rapport IPC (Cadre Intégré de Classification de la sécurité alimentaire) publié le 12 mai

DUBAI: Les Emirats arabes unis ont conclu un accord avec Israël pour permettre la livraison d'aide humanitaire urgente à la bande de Gaza assiégée, selon un communiqué publié mercredi par l'agence de presse officielle émiratie WAM.

Le chef de la diplomatie émiratie, Abdallah ben Zayed Al-Nahyane, "s'est entretenu par téléphone avec Gideon Saar, ministre israélien des Affaires étrangères, ce qui a conduit à un accord autorisant la livraison d'une aide humanitaire urgente en provenance des Emirats arabes unis", selon le communiqué.

"L'aide répondra, dans une première phase, aux besoins alimentaires d'environ 15.000 civils dans la bande de Gaza", précise le communiqué.

Mis sous pression à l'étranger pour le blocus qui affame les Palestiniens de Gaza, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré lundi que Israël devait empêcher une famine à Gaza "pour des raisons diplomatiques", après l'annonce d'une reprise limitée de l'aide humanitaire à destination du petit territoire palestinien.

Des "images de famine de masse" pourraient mettre à mal la légitimité de l'effort de guerre israélien, a-t-il ajouté.

Israël a annoncé dimanche autoriser une reprise limitée de l'aide humanitaire, parallèlement au lancement d'"opérations terrestres de grande envergure" à Gaza.

Israël a annoncé l'entrée de 93 camions de l'ONU mardi dans la bande de Gaza, l'ONU confirmant de son côté le passage de "quelques dizaines" de camions ce jour-là.

Plus de deux mois après le blocus imposé par Israël à Gaza depuis le 2 mars, les pénuries de nourriture et de médicaments frappent durement la bande de Gaza.

Le territoire côtier est confronté à un "risque critique de famine", selon le rapport IPC (Cadre Intégré de Classification de la sécurité alimentaire) publié le 12 mai.

Les Emirats et Israël ont formellement établi des relations diplomatiques lors des accords d'Abraham en 2020.